L’ombre pour la proie

Je relis « La Peste ». A peu de mètres, Notre-Dame gît, si ce n’est terrassée, toujours abaissée… Je lis donc, beaucoup… Des miracles et des immondices ! Comme tout le monde, faute de mieux, j’essaie de faire de ce temps contraint un temps utile.

Moi, je suis Marchand de Tableaux. Un passeur. Pas un acteur. En tous cas pas un protagoniste. Un maillon qui lie entre elles des preuves de civilisation… Il m’arrive de penser que ce n’est déjà pas si mal !

Encore faut-il pour perdurer que perdure la civilisation. Quid de nous, alors, si même le certain n’est plus sûr ? C’est sans doute la question que, sans l’avoir nécessairement formulée, se posent nombre de mes confrères.

Quand le quart-monde des sans-abris erre sous nos fenêtres, celui que l’on ne voyait pas, pas parce que plus au sud, mais seulement plus ailleurs, quand meurent même les forts, ou ceux que l’on croyait tels, quand une portion chaque jour moins congrue d’entre nous tous se terre confinée, que le masque et le gel sont devenus l’objet de nos plus vifs désirs, quand dans l’obscurité luit la noirceur des âmes, et que dans la lumière jaillit tout soudain, comme une évidence, le poids de l’utilité commune, celle portée – notamment, pas uniquement – par ceux qui soignent, que reste-t-il encore, que restera-t-il demain de nos métiers ?

Certains s’agitent, d’autres se prostrent. Beaucoup se perdent…

Il y aura un après, puisqu’il y a eu des avants : avant des révolutions, avant des guerres – dont la dernière grande, de laquelle nous avons – j’ai ! – fondamentalement émergé -, avant des pandémies, même quand elles ne portaient pas encore ce nom.

Mais il faudra se concentrer, lâcher l’ombre pour la proie !

Et relire La Fontaine !

Franck Prazan

PS : Aux 10.266 lecteurs de ce blog, à toutes celles et ceux qui leur sont proches, et à tous les autres (y compris les 102.300 amis de la galerie sur Instragram et 107.946 sur Facebook!): « Portez-vous bien ! »

France great again?

“And the can’t-miss booth of this fair comes from a gallery that, l’m embarrassed to say, l’d never heard of before: Applicat­Prazan, a decades-old Parisian space participating in Art Basel Miami Beach for the first time. This specialist in midcentury European painting has arrived with a dozen bracing works by figures too little known in the United States, including Otto Freundlich, Nicolas de Staël and Hans Hartung. A seething 1960 abstraction by Karel Appel features thickly applied splashes of white and brown paint, whose seeming carelessness belies clear care. In Jean Hélion’s “Trois Nus et le Gisant” (“Three Nudes and Reclining Man”), a disquieting painting from 1950, three women – the Fates, or just an artist’s models? – sit in judgment over a splayed young man, perhaps in postcoital slumber, perhaps murdered.”

Autant vous dire que cette mention nous concernant dans le cahier WeekendArtsII du New York Times du 8 décembre dernier à propos d’Art Basel Miami Beach nous est allée droit au cœur !

Pas tant le fait, certes appréciable, que notre présentation ait été spécifiquement remarquée parmi un plateau gigantesque recensant plus de 250 stands de grande superficie (soit beaucoup de kilomètres à parcourir pour être exhaustif et pertinent!), mais surtout que, sur le sol des Etats-Unis, l’attention se soit portée sur une proposition française d’une galerie française présentant des peintures d’Artistes de France (1) !

Jason Farago, l’auteur de l’article duquel la citation est tirée, est un observateur aussi chevronné que respecté, et son jugement porte bien entendu avant tout sur les œuvres elles-mêmes, en tant que telles, pour ce qu’elles sont. Mais je ne peux pas m’empêcher d’aller y voir plus loin, car ce signe qui nous est adressé n’est plus isolé…

… En Europe avec Art Basel, la Fiac, Tefaf Maastricht, et Frieze Masters, en Asie avec Art Basel Hong Kong, et aux Etats-Unis avec Tefaf New York et Art Basel Miami Beach, nous dialoguons avec l’essentiel des sphères actives du marché de l’art international. Incidemment, les zones de chalandise que couvrent ces 7 foires auxquelles nous participons annuellement nous renvoient l’image de ce qu’indirectement – malgré nous, et bien au-delà de notre ambition parfaitement lucide et tempérée de simple marchand de tableaux – nous représentons aux yeux des visiteurs : une expression de la culture de notre pays.

Et ce regard, je peux vous l’affirmer avec certitude a changé récemment. Il n’est plus condescendant, comme trop souvent nous l’avions éprouvé par le passé. Par-delà le ressenti pour sa culture – attribut essentiel, si ce n’est prépondérant – c’est l’image toute entière de la France dont j’ai le sentiment diffus qu’elle s’est appréciée…

(1) j’aime cette expression !