L’ombre pour la proie

Je relis « La Peste ». A peu de mètres, Notre-Dame gît, si ce n’est terrassée, toujours abaissée… Je lis donc, beaucoup… Des miracles et des immondices ! Comme tout le monde, faute de mieux, j’essaie de faire de ce temps contraint un temps utile.

Moi, je suis Marchand de Tableaux. Un passeur. Pas un acteur. En tous cas pas un protagoniste. Un maillon qui lie entre elles des preuves de civilisation… Il m’arrive de penser que ce n’est déjà pas si mal !

Encore faut-il pour perdurer que perdure la civilisation. Quid de nous, alors, si même le certain n’est plus sûr ? C’est sans doute la question que, sans l’avoir nécessairement formulée, se posent nombre de mes confrères.

Quand le quart-monde des sans-abris erre sous nos fenêtres, celui que l’on ne voyait pas, pas parce que plus au sud, mais seulement plus ailleurs, quand meurent même les forts, ou ceux que l’on croyait tels, quand une portion chaque jour moins congrue d’entre nous tous se terre confinée, que le masque et le gel sont devenus l’objet de nos plus vifs désirs, quand dans l’obscurité luit la noirceur des âmes, et que dans la lumière jaillit tout soudain, comme une évidence, le poids de l’utilité commune, celle portée – notamment, pas uniquement – par ceux qui soignent, que reste-t-il encore, que restera-t-il demain de nos métiers ?

Certains s’agitent, d’autres se prostrent. Beaucoup se perdent…

Il y aura un après, puisqu’il y a eu des avants : avant des révolutions, avant des guerres – dont la dernière grande, de laquelle nous avons – j’ai ! – fondamentalement émergé -, avant des pandémies, même quand elles ne portaient pas encore ce nom.

Mais il faudra se concentrer, lâcher l’ombre pour la proie !

Et relire La Fontaine !

Franck Prazan

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