Un homme criblé de dettes s’effondre en larmes. Une adolescente se mutile pour soigner son mal de vivre. Un détenu avoue qu’il est tout sauf « innocent ». Un autre justifie sa violence par des propos sexistes. Ces histoires, dramatiques ou émouvantes, constituent le quotidien du tribunal de grande instance de Vienne, ville de 30.000 habitants située au sud de Lyon. Derrière les murs du Palais, magistrats et greffiers sont confrontés tous les jours à la violence ordinaire, avec un total de 15.000 procédures à traiter par an.
Comment juger ? Comment punir ? Comment sanctionner au plus juste ?
Portraits des justiciables et des fonctionnaires, dans le difficile exercice de leur métier…
Critique Télérama du 01/06/2018 :
Au TGI de Vienne, en Isère, des justiciables défilent pour des affaires diverses. Procureur, magistrats, avocats et greffiers dialoguent avec eux et participent à « rendre la justice ». Une plongée édifiante dans le quotidien d’un tribunal français.
Je vous informais il y a quelques jours de la sélection au 27ème Festival International du Film d’Histoire (Pessac, 14 – 21 novembre 2016) du documentaire que mon frère a réalisé sur un épisode de la vie de mon père pendant la seconde guerre mondiale, et sur la femme que j’avais retrouvée près de 70 ans après qu’elle l’avait conduit en zone libre, Madame Thérèse Léopold, et dont j’avais jusque-là ignoré l’existence et le destin tragique.
Au terme de ce festival, La Passeuse des Aubrais a remporté sa sélection (catégorie des documentaires inédits) et a été doublement récompensé à ce titre par le Prix du jury professionnel et par le Prix des jeunes journalistes.
Au terme d’une longue enquête que j’ai initiée en 2011, mon Frère Michaël a réalisé un documentaire consacré à mon Père et à celle qui l’aura conduit avec sa sœur en zone libre en 1942, et dont je n’ai découvert l’existence et la destinée tragique que près de 70 ans plus tard: Madame Thérèse Léopold.
Je publierai ultérieurement les circonstances particulières dans lesquelles j’ai été amené à découvrir son existence.
Dans l’attente, je me permets de vous transmettre ci-dessous l’article écrit par François Ekchajzer dans Télérama (télérama.fr le 17/11/2016) au sujet de ce film qui sera diffusé en avant-première au Festival international du film d’histoire de Pessac avant sa programmation sur Arte en 2017 :
Sur les traces de “La Passeuse des Aubrais”, de l’Occupation à nos jour, par François Ekchajzer
Elle a sauvé son père, alors enfant, de la déportation. Dans un documentaire présenté en avant-première au Festival international du film d’histoire de Pessac, Michael Prazan revient avec Thérèse Léopold sur son itinéraire… et ses zones d’ombres.
Il faut imaginer Michaël Prazan, auteur renommé de documentaires historiques (au premier rang desquels Einsatzgruppen, Les commandos de la mort), face à l’écran transmettant en direct l’image de son père. On est le 18 mai 2006, dans les locaux de l’Institut national de l’audiovisuel, où Bernard Prazan évoque son passé d’enfant caché dans le cadre d’une collecte de témoignages soutenue par la Fondation pour la mémoire de la Shoah. Son fils a dû batailler ferme pour le convaincre de rompre ce silence entretenu tout au long de sa vie. Il l’a accompagné à Bry-sur-Marne et, seul dans une petite pièce, suit avec attention l’entretien que conduit sa consœur Catherine Bernstein, autrice de documentaires historiques non moins remarquables que les siens. « Moi qui ai l’habitude de mener ce genre d’entretiens, je me retrouvais dans une situation de simple spectateur, se souvient Michaël Prazan. C’était troublant, mais reposant et rassurant, car il était entre de bonnes mains. Mon père n’avait rien d’un client facile. Il était arrivé buté et n’a pas hésité à balayer d’un revers de la main certaines questions posées. Catherine Bernstein a magnifiquement manœuvré, sans se laisser atteindre par ses rodomontades. Elle l’a poussé dans ses retranchements jusqu’à ce qu’il cède, et je l’ai vu rendre les armes. »
Suivant à distance l’entretien aujourd’hui disponible sur le site de l’INA, Michaël Prazan découvre des bribes de passé que son père, aujourd’hui disparu, avait tues toute sa vie et sur lesquelles il ne reviendra pas. « Il ne regrettait pas d’avoir parlé, bien au contraire ; ça l’avait soulagé. Mais il ne s’attardait jamais sur le passé, et je n’ai pas osé le questionner pour dissiper les zones d’ombre qui persistaient. » Parmi les questions demeurées en suspens à la mort de Bernard Prazan, le 29 décembre 2011 : l’identité de la passeuse qui s’engagea à conduire en zone libre l’enfant de 7 ans qu’il était, ainsi que sa petite sœur. Une inconnue dont on apprend qu’elle était proche de Pierre Lussac, collaborateur avéré et faux passeur, qui livra sans vergogne des juifs à la police allemande — dont une cousine de Bernard Prazan. « Qui était la jeune femme qui a fait passer mon père et sa sœur en zone libre et qui, à l’en croire, travaillait de mèche avec la Gestapo ? » s’interroge-t-il au mitan de La Passeuse des Aubrais, documentaire présenté ces jours-ci en avant-première au Festival international du film d’histoire de Pessac. Une enquête exceptionnelle de par la force avec laquelle elle fait converser l’histoire familiale avec la grande histoire, relie le passé au présent et renouvelle notre regard sur une période connue, soulevant des questions qui continuent de travailler en nous bien après le générique de fin.
Qui était Thérèse Léopold, dont Michaël Prazan trouve le nom dans un livre et la trace à Houlgate, où son enquête le mêne alors qu’il n’a pas encore de film en tête ? « Avant d’aller la voir chez elle et compte tenu des préventions que m’inspiraient les paroles de mon père, j’ai fait envoyer à madame Leopold l’intégralité de son témoignage à l’INA. Et je me suis rendu en Normandie avec une caméra prêtée par un ami pour conserver la trace de ce qu’elle me dirait. J’ai trouvé une femme secouée par ce qu’elle venait de voir, mais décidée à donner sa version des faits. J’ai passé la journée avec elle. J’en suis sorti sans savoir quoi penser, glacé par l’antisémitisme émanant de certains de ses propos et nullement convaincu. J’avais des doutes jusque sur sa déportation à Auschwitz-Birkenau, dans le convoi du 24 janvier 1943, celui de Marie-Claude Vaillant-Couturier, Danielle Casanova et Charlotte Delbo. Ça m’a pris des années, de vérifier son témoignage point par point, de m’attacher à elle et de comprendre qui elle était. De voir la larme discrète qui perle sur son visage, quand elle évoque la destruction des juifs de Hongrie. De découvrir que cette femme disait vrai, même si elle ne m’a pas forcément tout dit. »
Le témoignage et la personnalité impressionnante de Thérèse Léopold donnent au film de Michaël Prazan, dans sa seconde partie, toute son ampleur et sa complexité. On n’en dira pas plus, pour laisser le plaisir de la découverte aux téléspectateurs qui verront l’an prochain sur Arte cette Passeuse des Aubrais. Un documentaire dont la profondeur se découvre peu à peu ; comme son sujet, qui traite sans le dire des histoires que l’on se raconte et que l’on se transmet, qu’il appartient à chacun d’entre nous de questionner, de déconstruire, pour les recomposer dans une forme parfois plus véridique que celle du témoignage dont elles sont issues.
Festival international du film d’histoire de Pessac, jusqu’au 21 novembre, à Pessac, divers lieux.