L’œil de Michel Tapié « amateur d’art », par Juliette Evezard

Michel Tapié ne fut pas tout à fait de ces critiques qui, apposant leur signature sur des manifestes aujourd’hui historiques, prenaient place irrévocablement au panthéon de la critique d’art. Comment définir l’activité si multiple de Michel Tapié qui semblait préférer l’événement sensationnel au monument ?

De tous ces aventuriers, découvreurs d’artistes et écrivains d’art de la seconde moitié du xxe siècle, français et internationaux, Michel Tapié est non seulement celui qui a transformé cette profession en ajoutant aux activités traditionnelles de cette fonction d’autres activités (conseiller artistique, éditeur, courtier, collectionneur), mais c’est aussi le seul à pouvoir se targuer d’avoir eu, dans son écurie, plus de cent quatre-vingts artistes. Bien sûr, l’on pourrait objecter que peu, en proportion, sont passés à la postérité. Mais parmi le nombre impressionnant des artistes qui composèrent « son écurie », quelques-uns connurent un succès sans précédent ; leurs œuvres se trouvent aujourd’hui dans les collections les plus illustres et sur les murs des musées d’art modernes du monde entier et les noms d’Appel, De Kooning, Dubuffet, Fautrier, Fontana, Francis, Hartung, Mathieu, Michaux, Pollock, Riopelle, Shiraga, Wols et d’autres, furent, au moins pour un moment, estampillés « Michel Tapié ». Qui pourrait, à l’exception de Michel Tapié, déclarer « l’art informel, c’est moi ! » ? Charles Estienne, Jean Paulhan et d’autres s’y sont essayés, en vain…

Ces lignes rédigées en 1938, à l’adresse de son épouse Simone, autant empreintes d’enthousiasme que d’incertitudes, sont celles d’un jeune provincial, ayant quitté le Tarn, sa terre natale, pour devenir musicien de jazz à Paris, convaincu de sa future célébrité :

Je suis tellement compétent en technique que j’ai grande confiance, mais je me sens tellement incompétent dès que la question commerciale intervient que je n’ai pas la force d’agir seul [i].

Elles ne sont pas sans faire écho à celles, nombreuses, qu’il adressera à ses partenaires galeristes sur lesquels il comptera pour concrétiser et gérer financièrement son rêve : le système théorique et marchand de « l’art autre » dont il est l’inventeur.

Au commencement, Michel Tapié de Céleyran n’a rien d’un homme d’affaires.

Né d’une des plus anciennes familles languedociennes, la maison Toulouse-Lautrec [ii], il est le seul à devoir travailler pour subvenir à ses besoins. Fort de l’espérance de ses parents – aristocrates ignorants tout de la vie parisienne et eux-mêmes mauvais gestionnaires de leur illustre héritage familial, Michel Tapié, musicien autodidacte [iii] est déjà conscient de ses limites dans les questions d’argent qui le dépassent… Mais s’il ne réunit certes pas les qualités d’un gestionnaire financier, toutefois, la désinhibition relative à la nécessité de se faire une situation, son entregent hérité de son lignage aristocrate, sa soif d’aventures et son œil enfin, ont fait de ce rêveur, le critique d’art, conseiller artistique et collectionneur connu et reconnu, dont la candeur servit de nombreuses fois ses stratagèmes.

Le 14 août 1948, Jean Dubuffet ne s’y trompe pas lorsqu’il dépeint le charisme de son voisin, Michel Tapié, qu’il a rencontré au cours de l’hiver 1945 alors que celui-ci est installé dans son atelier situé au 114 bis de la rue Vaugirard à Montparnasse. Partageant une passion commune pour l’art et la littérature, les deux hommes se lient d’amitié et Jean Dubuffet de goûter à l’enthousiasme communicatif de son nouvel ami dont il témoigne dans une lettre adressée à Gaston Chaissac :

Il sait bien parler des choses, avec un enthousiasme communicatif, et il voit beaucoup de gens, et il a le don d’inspirer de l’intérêt et de la sympathie à tout le monde.

C’est cette sociabilité, une déconcertante facilité à se faire des relations dans le milieu artistique et mondain parisien qui séduisent Jean Dubuffet. Il écrira :

Comme patronymes singuliers, à ceux d’Agamemnon et d’Anacréon, il faut ajouter M. Magnificat, grand financier parisien, et de M. Carissimo, riche lainier de Roubaix. C’est bien entendu, Michel Tapié qui connaît des gens aux noms si singuliers [iv].

Ces qualités certaines que Dubuffet perçoit déjà comme un atout majeur poussent ce dernier à lui conseiller d’abandonner la musique en faveur de l’écriture d’art. Tapié l’entend et s’exécute de bon gré, après tout, la musique ne l’aidait, jusque-là, guère à subvenir à ses besoins. Il l’accompagne lors de ses visites d’expositions, l’une d’elles sera déterminante pour lui : sa visite en octobre 1945, de l’exposition intitulée « Les Otages » présentant les œuvres de Jean Fautrier – le catalogue est préfacé par André Malraux. Michel Tapié est alors « passionné [v] ». Cette exposition marque un point de rupture dans l’histoire de l’abstraction qui n’est plus seulement géométrique. Elle constitue aussi un événement fondateur pour Michel Tapié qui est désormais persuadé qu’il lui revient de défendre cette nouvelle peinture.

Désormais, Jean Dubuffet n’hésite pas à lui ouvrir son cénacle intellectuel prestigieux constitué autour de la figure emblématique de Gaston Gallimard : Georges Limbour, son ami d’enfance et d’autres connaissances rencontrées alors pendant la guerre : Jean Paulhan, l’ancien directeur de La Nouvelle Revue française, Joë Bousquet, collectionneur ; Jean Cassou, ancien conservateur adjoint du Musée national d’art moderne, André Malraux ; Pierre Seghers, l’éditeur ; Marcel Arland, auteur d’articles critiques à la NRF ; Louis Parrot collaborateur des Éditions de Minuit, Francis Ponge, le poète ; Raymond Queneau, l’écrivain lecteur aux éditions Gallimard ; Charles Ratton, directeur de sa galerie spécialisée dans les arts primitifs, rue Marignan. Aussi, Jean Dubuffet le présente à son galeriste d’alors, René Drouin, directeur de la galerie éponyme située place Vendôme de laquelle Tapié deviendra conseiller artistique en 1947. Avant cela, Jean Dubuffet lui confie la rédaction du catalogue de son exposition « Mirobolus Macadam et Cie » présentée au mois de juin 1946 dans cette même galerie. Cette première publication vaut à Michel Tapié d’écrire une série d’articles dans Juin un hebdomadaire politique, économique et littéraire [vi]. Sa carrière d’écrivain d’art est enfin amorcée. Et, le 15 novembre 1947, lorsqu’il ouvre Le Foyer de l’Art brut au sous-sol de la galerie René Drouin, Jean Dubuffet peut partir le lendemain, en toute quiétude, pour Alger, El-Golea et Tamanrasset où il passe noël. Il confie clefs et rennes du Foyer de l’Art brut à Michel Tapié qui lui a prouvé son efficacité. Il vient, en effet, de lui faire découvrir les médaillons d’Henri Salingardes. Cette découverte incite le jeune directeur « provisoire » du Foyer de l’Art brut à en faire d’autres, il devient alors prospecteur de talents et ne tarde pas à démontrer toute l’acuité de son œil expert. Lorsqu’il découvre les œuvres de Xavier Parguey, le Tchécoslovaque Jan Krizek et l’espagnol Miguel Hernández, Jean Dubuffet l’en félicite :

Les nouvelles de l’institut de l’Art brut m’ont enchanté. Bravo ! Il me tarde de rentrer à Paris pour voir tout cela. Vous paraissez avoir fait de très intéressantes découvertes. Je viens de recevoir aujourd’hui vos deux catalogues. Hernández est extrêmement intéressant. […].

Subjugué par les découvertes de son protégé, qui ne sont toutefois pas sans exciter sa jalousie, Jean Dubuffet le complimente dans une lettre dissimulant toute son acrimonie qui le poussera finalement à l’éloigner des affaires de l’Art brut moins d’un an plus tard, lorsque le Foyer de l’Art brut se transformera en une association à but non commercial (le 11 octobre 1948) :

Je suis émerveillé de votre entrain et de vos découvertes et je vous en félicite chaudement [vii].

C’est aussi son œil et son entregent qui poussent Michel Tapié à se lier d’amitié avec Georges Mathieu qu’il rencontre à la galerie René Drouin à l’occasion de l’exposition des œuvres de Wols qui s’ouvre à la galerie le 23 mai 1947. C’est alors un jeune homme de vingt-six ans, directeur des Relations publiques et de la Publicité de la compagnie maritime américaine United States Lines à Paris et peintre à ses heures. Ce dernier est très vite séduit par son illustre lignage « des plus vieilles familles du Languedoc » écrira-t-il plus tard[viii]. Bientôt, les deux hommes se liguent pour défendre l’abstraction lyrique et contrecarrer l’abstraction géométrique, le néo-constructivisme, l’abstraction-création que Mathieu ne peut souffrir. Le peintre gestuel mettra sur pied trois « expositions de combats » – où l’on retrouve des artistes pour lesquels Tapié œuvrera très vite [ix] : « L’imaginaire » organisée avec Camille Bryen (à la Galerie du Luxembourg dirigée par Eva Philippe [x]) qui regroupe quatorze artistes abstraits non géométriques [xi]; « H.W.P.S.M.T.B » (à la galerie Colette Allendy [xii]) dont le titre est formé des initiales des noms des participants [xiii] ; « White And Black » : la troisième exposition de combat (à la Galerie des Deux-Îles [xiv] dirigée par Florence Bank.

Après ces trois expositions où Mathieu apparaît comme le chef de file de la nouvelle abstraction, le peintre décide de mettre un terme à l’organisation d’expositions de combat. Il laisse ainsi la place libre à Michel Tapié qui poursuit la promotion de l’abstraction que les critiques ont qualifiée de « lyrique », et, dans le même temps, celle des œuvres de Mathieu. Celui-ci devient alors son fer de lance.

Et c’est en défendant Mathieu qu’il décide de se faire connaître à l’étranger en tant que conseiller artistique et organisateur d’expositions. Il ne tarde pas à proposer ses services à Alexandre Iolas, directeur de la Hugo Gallery de New York qui lui avoue, dans l’une de ses lettres, s’en remettre à son jugement :

Je suis tellement emballé par une possible collaboration avec vous et présenter Mathieu que j’aime profondément, et je souhaite que tout soit réalisé […] comme j’ai confiance absolue en votre goût [xv].

Ainsi, Tapié use de ce qui deviendra sa méthode : chaque fois qu’il rencontrera un artiste, un collectionneur ou un marchand, il entreprendra une relation épistolaire. Ces correspondances ont deux objectifs : constituer son réseau de relations et communiquer sur les expositions qu’il orchestrera. Cette méthode n’est pas sans porter ses fruits puisque son nom circule à New York avant même qu’il s’y soit rendu. Iolas mord d’ailleurs à l’hameçon en lui témoignant toute la confiance qu’il porte en son goût. Michel Tapié se crée donc une aura à distance tout autant qu’un carnet d’adresses pour lequel des galeristes internationaux l’engageront. Son œil est désormais reconnu par ses pairs et son nom devient peu à peu un label pour les artistes désormais estampillés « Tapié ».

Mais là n’est pas son seul atout, Michel Tapié s’appuie également sur ses artistes engagés pour la cause de l’abstraction lyrique pour faire de nouvelles découvertes. De cette façon, lorsque Georges Mathieu est invité à rejoindre, en janvier 1951, le collectionneur milanais Frua de Angeli dans sa villa à Positano, il devient un œil précieux pour Tapié qui n’a, pour sa part, pas encore la possibilité de se déplacer. En effet, Mathieu en profite pour faire un tour de l’Italie et rencontre, à cette occasion, le peintre Capogrossi dont les œuvres le séduisent : il fait part de son enthousiasme à Tapié. Deux mois plus tard, les œuvres de Capogrossi seront intégrées à l’exposition manifeste « Véhémences Confrontées [xvi] », organisée par Tapié et présentée à la galerie Nina Dausset, 19 rue du Dragon, et dont le catalogue donnera naissance au terme « Art informel » sous la plume de Michel Tapié.

Par la suite, à l’été 1951, il est engagé par Paul Facchetti, photographe, dans son studio éponyme, au 17 rue de Lille à Paris, d’abord pour s’occuper de ses éditions d’art avec un salaire à l’appui. Sur les conseils de Mathieu, le directeur des lieux met à la disposition de Tapié un espace pour ses activités de commerce d’art. Pour commencer, il sera à son compte, mais très vite la galerie devient l’affaire du couple Facchetti qui fait du Studio, une véritable galerie d’art laboratoire. Tapié sera alors employé de la galerie en tant que conseiller artistique.

Tapié a toutes les raisons de développer ses stratagèmes pour faire connaître et garder Mathieu ainsi que de poursuivre ses prospections comme il en témoigne dans ces mots adressés à son amie sculptrice Maria Martins : premiers constats du premier accrochage au studio du 9 juillet 1951 où l’on pouvait admirer sur les cimaises, les œuvres de Picabia, Dubuffet, Fautrier, Mathieu, Michaux, Riopelle, Serpan, Ubac, Ossorio et Maria Martins :

Mathieu marche bien et je dois faire l’acrobatie pour le garder ici avant de pouvoir lui donner un petit contrat. Je pense pour lui le plus grand avenir ; Malraux le tient en haute estime et unanimement on l’aime ; Serpan est ma dernière découverte et il a plu immédiatement à des personnes difficiles comme M. Frua de Angeli ou M. Catton Rich [xvii].

Ainsi, œuvrer au Studio Facchetti lui permet non seulement de développer sa constellation d’artistes en trouvant toujours de nouveaux talents qu’il fédère autour du noyau constitué par les artistes présentés lors des premières expositions de combat, mais aussi de concrétiser sa vision, novatrice, du rôle de conseiller artistique d’une galerie parisienne. En effet, très vite, il se tourne vers les artistes américains à qui il adresse de nombreuses lettres destinées à se faire connaître et à les éblouir en leur soulignant la modernité de sa démarche pour mieux les attirer à lui. Il va même jusqu’à écrire à Jackson Pollock :

Je vous tiendrai au courant de cette activité que je veux très différente de celle habituelle des galeries d’art mais basée sur mon expérience qui m’a prouvé qu’il fallait changer quelques éléments dans les habitudes qui pouvaient être efficaces il y a vingt ou trente ans, mais qui semblent complètement périmées maintenant [xviii].

Pour tenter de s’attacher les artistes américains, il s’appuie sur une rencontre qu’il avait faite six mois auparavant, alors qu’il était encore à la galerie René Drouin. En effet, Michel Tapié avait reçu la visite d’Alfonso Ossorio artiste américain d’origine philippine et collectionneur, entre autres des œuvres de Jackson Pollock. Il souhaitait alors acquérir une œuvre de Dubuffet. Tapié fut aussi séduit par le regard qu’il porte aux œuvres de Dubuffet, que par ses talents d’artiste. Il écrit à Dubuffet :

Je suis aussi très intéressé par ce que fait Ossorio, et je lui ai demandé de me laisser quelques-unes de ses œuvres qu’il me montrait pendant quelques jours que je puisse les ruminer [xix].

Six mois plus tard, a lieu, au Studio Facchetti, la première exposition parisienne des œuvres d’Alfonso Ossorio : c’est un succès, les plumes influentes relaient l’événement : Thomas Hess, le manager du mensuel américain The Arts News visite l’exposition tout comme Betty Parsons. C’est l’occasion pour Tapié de nouer des relations commerciales avec la galeriste new yorkaise considérée comme le symbole du nouvel art. En effet, elle s’est attaché Clifford Still, Jackson Pollock, Mark Rothko et Barnett Newman et les présente dans un grand espace architectural moderne conçu pour mettre en valeur les grands formats.

Au Studio Facchetti, l’idée de Tapié est d’adopter la méthode américaine sans avoir encore été aux États-Unis. Il expose uniquement des artistes vivants et mêle à ses artistes européens, de jeunes peintres américains encore peu connus en France. Il communique très largement sur ses expositions qu’il conçoit comme de véritables évènements. L’Amérique apparaît aux yeux de Tapié comme une terre pleine de promesses. Ainsi, trépigne-t-il :

« Si je pouvais prospecter ici et à New York où se passent aussi tant de choses ! »

Mais s’il attendra plus de cinq ans – décembre 1956 – avant de s’y rendre, il n’y prospectera pas moins, à distance, à travers l’œil, expert et complice, de Jean Dubuffet à partir du mois d’octobre 1951. Accompagné de Lili (son épouse) et d’Alfonso Ossorio, Dubuffet est véritablement subjugué par New York et Chicago, et, plein d’espérances pour les activités du critique d’art et conseiller artistique, envoie à celui-ci galeristes, artistes et collectionneurs. Glasco, Pollock et De Kooning sont ses révélations dont il adresse des clichés des œuvres à Michel Tapié qui ne tardera pas à les inclure dans sa constellation en les présentant dans ses expositions.

Ce sera au Studio Facchetti que Michel Tapié, avec l’aide de Ossorio, organisera la première exposition parisienne de Jackson Pollock [xx] qui aura un retentissement important et sur laquelle Michel Tapié n’aura de cesse de communiquer.

C’est au Studio Facchetti que sera présenté son ouvrage-manifeste : Un art autre où il s’agit de Nouveaux dévidages du réel dont le but est de « théoriser » l’esthétique commune aux œuvres qu’il rassemble sous la bannière de « l’art informel ». Un art autre (le livre) propose une réponse nouvelle aux débats entre les partisans de l’abstraction et ceux de la figuration et permet de dépasser les frontières nationales puisqu’il défend quarante-deux artistes internationaux. L’idéologie développée sera le socle du système marchand que Michel Tapié commence à mettre en place. Elle est intuitive et personnelle et n’établit aucun véritable critère qui permettrait de définir clairement l’art informel. Faisant d’une pierre deux coups, cet ouvrage établit tout autant le mythe de son invention de « l’art autre » que celui de sa personne. En effet, faisant de son intuition un indicateur selon lequel il peut – ou non – attribuer cette appellation à une œuvre qu’il « reçoit », l’art informel est intrinsèquement lié à la personnalité de Michel Tapié. Par conséquent, cela conduit à un verrouillage de l’attribution de ce label « art informel » qui, implicitement, ne peut être délivré que par Michel Tapié.

Ayant achevé son manuscrit au mois d’août 1952, lors de sa deuxième visite de la XXVI Biennale de Venise, Michel Tapié fait paraître son ouvrage au tout début du mois de décembre 1952. Il sera présenté à l’occasion d’une exposition éponyme organisée au Studio Facchetti[xxi] où se presseront le Tout-Paris et les personnalités du monde de l’art international telles que Sidney Janis et Darthea Speyer…

Le système de « l’art autre » est en marche.

À la suite de son activité au Studio Facchetti, Michel Tapié œuvre en tant que conseiller artistique au sein de plusieurs galeries françaises et étrangères. Deux galeries s’ouvrent successivement à Paris : la galerie Rive Droite, la galerie Stadler.

Tout comme Paul Facchetti, les deux directeurs de ces galeries, Jean Larcade et Rodolphe Stadler, débutent comme marchands d’art. Ils demandent à Tapié d’orienter les choix esthétiques de leur galerie et de faire le lien entre l’artiste, le marchand et les collectionneurs. Si Michel Tapié fut toujours désargenté et gestionnaire amateur, l’on comprend qu’il ait recherché le soutien de marchands qui financèrent la carrière dont il a toujours rêvé. En 1954, peu de temps avant qu’il soit engagé pour une quinzaine d’années par Rodolphe Stadler, tout en œuvrant pour la galerie Rive Droite, Michel Tapié, âgé de quarante-cinq ans, a déjà approché la Zoë Dusanne Gallery (Seattle) avec laquelle il esquisse des plans, partage un projet avec la Galerie Evrard (Lille), est allié de la Galerie Spazio (Milan) dirigée par Luigi Moretti (architecte), conseille depuis peu la Martha Jackson Gallery (New York). Avec cette dernière, ils entreprennent une « manœuvre secrète de grand style pour qu’en surenchérissant les contrats elle les ait dans sa galerie [xxii] ».

Son but étant de stocker les meilleures œuvres des meilleurs artistes, Michel Tapié orchestre un véritable système marchand. Il prend la tête d’une véritable coalition de galeries qui unissent leurs forces (les finances) pour multiplier ses chances de proposer des plus gros contrats aux artistes de première importance qu’il peut convaincre grâce à la dimension internationale de cette coalition. En conseillant simultanément ces différentes galeries, Michel Tapié crée une synergie permettant de concevoir des expositions itinérantes. Un artiste de la constellation de « l’art autre » est assuré d’être exposé en France, aux États-Unis et en Italie. Conscient d’avoir enfin trouvé son invention, il écrit alors dans une lettre adressée à Luigi Moretti :

Mon plan est plus que jamais fixé. J’ai tous les atouts possibles en main […] et je puis mener à bien dans les années à suivre, « une affaire » de l’envergure de celle qu’entre les années vingt et trente ont menée de grands marchands comme les Rosenberg et les Paul Guillaume [xxiii].

Alors, Sam Francis a tout compris lorsqu’il dit à Yves Michaux, au sujet de Michel Tapié, « lui, c’était un type très actif, genre entrepreneur [xxiv] ».

Il est aussi entrepreneur qu’aventurier lorsqu’il parcourt le monde en quête de nouveaux artistes à intégrer à sa constellation. En Italie, il part à la rencontre des artistes Burri, Capogrossi, Dova, Fontana, Moreni et fait la connaissance des galeristes Enzo Cortina (Galleria Cortina), Carlo Cardazzo (Galleria Del Naviglio), Beatrice Monti (Galleria del Ariete), Luciano Pistoi (Galleria Notizie) avec qui il travaillera en étroite collaboration. En mars 1960, il fera de Turin la capitale de « l’art autre » en créant, avec le soutien des artistes Franco Assetto, Franco Garelli, Ada Minola, créatrice de bijoux et Ezio Gribaudo, artiste et éditeur d’art (éditions Pozzo), The International Center of Aesthetic Resarches (ICAR). Il y établira un programme d’expositions pour sa constellation d’artistes internationaux. Les catalogues de ces expositions édités aux éditions Pozzo diffuseront, sur le territoire italien, la pensée de « l’art autre ».

Ainsi, Michel Tapié sait donc mobiliser et fabriquer toutes les ressources dont il peut disposer (marchands d’art, moyens de communication, éditions d’art, artistes, collectionneurs, galeries) pour concrétiser sa vision personnelle de l’art et son système s’échafaudant à partir de celle-ci par-delà le monde occidental…

Michel Tapié entreprend d’innombrables voyages dans les pays qui, au même moment, s’ouvrent au monde. Il expliquera son goût des voyages ainsi :

La facilité d’information résultant des modernes solutions au problème de communication m’avait amené à prendre l’art à son échelle, qui est devenue celle de notre planète, et je me suis installé, en tant qu’amateur d’art, dans les voyages, en Europe d’abord depuis 1947, et autour du monde à partir de la fin de 1956, visitant les artistes et organisant des expositions (plus spécialement entre l’Europe, les U.S.A et le Japon) permettant le constat de l’aventure artistique [xxv].

En 1957, sur l’invitation de Antoni Tapiès et de Antonio Saura, Tapié se rend en Espagne, à Madrid et Barcelone, où il expose ses artistes au côté de nouveaux, espagnols, désormais estampillés « art informel ».

Un an auparavant, lorsque Hisao Domoto, artiste japonais évoque Gutaï à Michel Tapié, ce dernier, intéressé, établit très vite des liens épistolaires avec Yoshihara Jiro, le leader du groupe Gutaï. Ils organisent, par correspondance, une exposition intitulée « Art d’aujourd’hui dans le monde », présentée au mois de novembre 1956, dans les grands magasins Takashimaya de Tōkyō. Michel Tapié prête, à distance, quelques œuvres de sa collection personnelle pour la manifestation qui présente alors les artistes originels de la constellation de « l’art autre ». Cette exposition marque l’arrivée de l’art informel au Japon et anticipe la renommée de Michel Tapié dans le pays. Dans le catalogue de cette exposition, il est considéré comme le « pionnier du mouvement » ; la presse parle de « cyclone informel ». Un mois plus tard, en décembre 1956, le manifeste de Gutaï est publié dans le Gueijutsu-Shincho et Michel Tapié intègre, dans sa constellation, nombre des artistes du groupe. Par la suite, Michel Tapié se rendra d’innombrables fois au Japon et y rencontrera Atsuko Tanaka et Kazuo Shiraga et les autres. Il y organisera de nombreux et retentissants festivals mêlant artistes internationaux informels et Gutaï.

C’est aussi connu en tant que promoteur de « l’art autre » qu’en 1970, il voyage en Iran, guidé par le jeune artiste Hossein Zenderoudi et est accueilli par Farah Diba. Il est, un temps, conseiller artistique de l’impératrice en même temps qu’il devient conseiller artistique de la galerie Cyrus, située dans la Maison de l’Iran (65, Champs-Élysées, Paris). La galerie présente des artistes iraniens que Michel Tapié associe à « l’art autre ».

Le système de « l’art autre » est désormais international. Il s’étend dans le monde et se nourrit des artistes que Tapié intègre à sa constellation au fur et à mesure de ses découvertes.

Aventurier voyageur, homme d’esprit et inventif, il ne sait pas moins jouer double jeu avec ses artistes ou les marchands d’art avec qui il traite. Prédisposé à s’imaginer des projets illusoires ­ – feint-il ou est-il sincère ? –, il n’hésite pas à partager ses rêves avec les artistes, marchands et collectionneurs, parfois dubitatifs, souvent conquis. Tantôt il promet, avec hardiesse, à des galeristes internationaux, la réalisation d’expositions d’œuvres d’artistes convoités et obtient souvent l’accord des marchands plutôt séduits par l’importance des projets improvisés. Cet accord, par effet de ricochet, permet aussi d’obtenir celui des artistes en question qui n’ont, pour certains, même pas encore entendu parler de Tapié. C’est grâce à cette esbroufe que d’importants artistes internationaux séduits par le prestige des relations parfois chimériques de Tapié, se rallient alors à la constellation de « l’art autre » permettant alors au rêve de se concrétiser. Tantôt, Tapié propose de réaliser et de financer les catalogues des expositions qu’il imagine, et, finit, en dépit de sa promesse alléchante, par envoyer la note au galeriste dupé, mais satisfait d’avoir, clefs en main, exposition et catalogue estampillés « Tapié ». Parfois, il va même jusqu’à manœuvrer pour reprendre la main sur l’œuvre d’un artiste au détriment de galeristes pourtant très influents. Tapié s’accorda un moment avec Dubuffet pour contrarier l’action de Pierre Matisse son marchand new yorkais ; il s’associa avec Frua de Angeli et fit savoir à l’artiste que s’il rompait avec Matisse, il s’engageait à prendre la totalité de ses œuvres, évinçant le marchand avec qui néanmoins Tapié a tenté, en vain, de conserver de bonnes relations d’affaires. Stratège, Tapié envisagea même de traiter, en parallèle, avec d’autres galeries américaines, pour assurer, en cas de guerre avec Pierre Matisse, la bonne distribution des œuvres de Dubuffet. Aussi, pour s’attirer la sympathie des artistes convoités, il va jusqu’à accepter le plan pour le moins inventif que lui propose la galeriste new yorkaise Martha Jackson. « Qui se ressemble s’assemble »… Elle imagine faire accepter à Jackson Pollock de signer un contrat avec Tapié. Pour ce faire, elle suggère à ce dernier d’écrire à Pollock (qui est sur le point de quitter son marchand Sidney Janis) de l’inviter à l’ouverture de la galerie Rive Droite. Pollock rêve d’un voyage en Europe sans sa femme et aime les belles voitures, c’est l’occasion rêvée d’attirer l’artiste dans leurs filets ! Pour le convaincre de voyager jusqu’à Paris, Mathieu devra se proposer de mener l’artiste à Venise et Rome dans sa Rolls-Royce. Le plan tournera court.

En conclusion, Michel Tapié est passé, en très peu de temps, du jeune homme provincial, musicien bohème et artiste par dépit, au redoutable et obstiné tacticien, conseiller artistique opportuniste des plus grands collectionneurs et de dizaines de galeries internationales.

Arborant, en société, son cigare ou sa pipe ainsi que son monocle lui conférant des airs de grand seigneur, narrant ses innombrables voyages dans le monde entier à qui veut l’entendre, Michel Tapié force les artistes au début de leur parcours, les collectionneurs et les marchands d’art qui commencent dans le métier, à une certaine admiration. C’est cette aura qui les pousse à attribuer à son œil un pouvoir déterminant leur carrière. Claude Bellegarde de déclarer « Vous savez Tapié avait un côté très dandy, mais d’un autre siècle [xxvi] ! ».

C’est sans doute cette même admiration qui fit dire à Paul Jenkins, un jour de promenade à Saint-Germain-des-Prés, ces quelques mots inspirés, adressés à la sculptrice Claire Falkenstein :

Michel Tapié est très occupé à Paris et semble plus actif que jamais. Quelle belle présence cet homme possède, j’étais à Saint-Germain, buvant une bière au Flore. Je regarde de l’autre côté de la rue et je vois Tapié à l’arrêt de bus. C’était la première fois que je le voyais de loin. Tout ce que je puis dire est quelle présence que sa présence. L’autobus aurait très bien pu être un char de gladiateurs avec six chevaux blancs sur le point de décoller pour le soleil [xxvii].

Paul Jenkins ira jusqu’à écrire un livre intitulé Observations of Michel Tapié [xxviii] témoignant de son admiration pour le critique d’art et conseiller artistique. Il sollicitera la participation de ses amis artistes de la constellation de « l’art autre » : John Hultberg, Henri Michaux, Claire Falkenstein, Georges Mathieu, César, Mark Tobey, qui feront le portrait de Michel Tapié.

Enfin, au-delà de cet ouvrage, nombre d’artistes peindront ou photographieront les traits de leur mentor : Appel, Battaglia, Dubuffet, Facchetti, Falkenstein, Calder, Brown, Garelli, Gribaudo, Tapiès, Minola, Motonaga, Newman, Lemaître.

Un des nombreux portraits de Tapié que réalisa Dubuffet conservé au Centre Georges-Pompidou : Michel Tapié soleil, rappelle combien le critique d’art, conseiller artistique et collectionneur a su faire de son « coup de maître » un système durable qui a rayonné un long moment sur un monde transformé alors en une scène artistique internationale ouvrant la voie à d’autres animateurs de l’art que l’on connaît aujourd’hui.

Juliette Evezard

Docteur en histoire de l’art

______________________

[i] Lettre de Michel Tapié à Simone Tapié, Paris, 1938, (archives Tapié, Paris).

[ii] Les Toulouse-Lautrec ; vicomtes de Lautrec et de Montfa, son nom ; c’est-à-dire l’association des deux maisons, les Toulouse et les Lautrec existe depuis 1196.

[iii] Il joue de cinq instruments : piano, vibraphone, clarinette, saxophone et contrebasse.

[iv] Lettre de Jean Dubuffet à Jean Paulhan, dimanche 9 juin 1946, reproduite dans Dubuffet-Paulhan, correspondance 1944-1968, Les Cahiers de la NRF, Gallimard, édition établie et annotée par Julien Dieudonné et Marianne Jakobi, Paris, 2003, p. 302-303.

[v] Lettre de Jean Dubuffet à Jean Paulhan, samedi soir 27 octobre 1945, reproduite dans Dubuffet-Paulhan correspondance 1944-1968, op. cit. p. 244.

[vi] Cet hebdomadaire, l’organe de l’Union nationale des combattants des maquis de France, dura du 19 février 1946 (date du premier numéro) au 7 janvier 1947 (date du 47e numéro).

[vii] Lettre de Jean Dubuffet à Michel Tapié, 15 mars 1948, (archives Tapié, Paris).

[viii] Georges Mathieu, Au delà du Tachisme, Julliard, Paris, 1963, p. 56-57.

[ix] Brauner, Ubac, Atlan et Wols, Hartung, Stahly, Picabia, Fautrier, Bryen que Michel Tapié inclura en 1952, dans Un art autre (1952).

[x] Du 16 décembre au 5 janvier 1947, 15 rue Gay-Lussac, Paris, Ve.

[xi] Arp, Atlan, Brauner, Hartung, Leduc, Mathieu, Picasso, Riopelle, Solier, Ubac, Verroust, Vulliamy et Wols.

[xii] Galerie Colette Allendy, 67 rue de l’Assomption, Paris, XVIe.

[xiii] Hartung, Wols, Picabia, Stahly, Mathieu, Tapié, Bryen.

[xiv] La galerie des Deux-Îles est située au 1 quai aux Fleurs, dans le IVe arrondissement de Paris. Cette exposition s’ouvre le lundi 19 juillet 1948. Michel Tapié y expose au côté des dessins, gravures et lithographies de Arp, Bryen, Fautrier, Germain, Hartung, Mathieu, Picabia, Ubac et Wols.

[xv] Lettre inédite de Alexandre Iolas à Michel Tapié, 5 octobre 1950 (archives Tapié, Paris).

[xvi] Elle sera présentée du 8 mars 1951 au 31 mars 1951.

[xvii] Lettre inédite de Michel Tapié à Maria Martins, 26 juillet 1951 (archives Tapié, Paris).

[xviii] Lettre inédite de Michel Tapié à Jackson Pollock, 17 juillet 1951 (archives Tapié, Paris).

[xix] Lettre inédite de Michel Tapié à Jean Dubuffet, 11 janvier 1951 (archives Tapié, Paris).

[xx] Cette exposition s’ouvre au Studio Facchetti le 7 mars 1952.

[xxi] Elle s’ouvre le 17 décembre 1952. Elle est la quatrième exposition de groupe de la galerie après « Signifiants de l’informel I », « Signifiant de l’informel II » et « Peintures non abstraites ». Michel Tapié présente les œuvres de Appel, Arnal, Bryen, Dubufet, Étienne-Martin, Falkenstein, Francis, Francken, Gillet, Galsco, Guiette, Kopac, Mathieu, Ossorio, Pollock, Riopelle, Ronnet, Serpan et Wols.

[xxii] Lettre inédite de Michel Tapié à Jean Larcade, 13 août 1954 (archives Tapié, Paris).

[xxiii] Lettre inédite de Michel Tapié à Luigi Moretti, mardi 8 juin 1954, (archives Tapié, Paris).

[xxiv] Yves Michaux « Sam Francis, Paris, années cinquante », Art Press n°137, juillet-août 1988, p. 21.

[xxv] Michel Tapié, Esthétique, International Center of aesthetic research, Turin, 1969.

[xxvi] Entretien de l’auteure avec Claude Bellegarde, Neuilly, mercredi 13 octobre 2010.

[xxvii] Lettre inédite de Paul Jenkins à Claire Falkenstein, s. d, (Box 7, file 61, Falkenstein Papers, 1914-1997, Archives of American Art, Smithsonian Institution, Washington).

[xxviii] Paul Jenkins, Observations of Michel Tapié, Wittenborn, New York, 1956.

Le Grand Œil de Michel Tapié

De mon point de vue, le marché contemporain de l’art aura été inventé par deux protagonistes principaux dont le galeriste d’exception René Drouin aura été le trait d’union subliminal. De fait, les relations directes entre Leo Castelli et Michel Tapié – puisque c’est d’eux dont il s’agit – n’auront été que parcimonieuses !

Brièvement associé à Drouin, Castelli aura de son côté très largement contribué à l’expansion hégémonique des États-Unis qu’il aura gagnés pour s’y réfugier au début de la seconde guerre mondiale.

Un temps conseiller artistique de Drouin, Tapié aura lui jeté les bases d’un système marchand qui aura prévalu tant qu’il sera demeuré au service des artistes, autant dire jusqu’à une date récente à partir de laquelle, par une sorte d’inversion des normes avant l’heure, certains artistes auront décidé de se mettre au service du système…

De ce système, Un art autre – l’ouvrage que Tapié élabore en amont de l’exposition éponyme de 1952 au Studio Facchetti – sera pour toujours le manifeste.

Au-delà de la notion d’informel qu’il théorise et qu’il conviendrait sans doute de préciser (voire de questionner, si nous étions historiens de l’art – ce qu’à la galerie nous ne sommes pas !), Tapié dispose progressivement – d’abord chez Drouin, puis chez Facchetti (Studio Facchetti), Larcade (galerie Rive Droite) et Stadler (galerie Stadler) – un ensemble de règles que l’on qualifierait aujourd’hui de marketing où l’art aurait vocation à l’international, où le curator serait censé orienter les goûts et tisser le lien entre les artistes, les marchands, les collectionneurs et les institutions, et où la publicité et les relations publiques, étayées par la publication de catalogues-livres d’art, la scénographie et la propagation d’articles dans la presse, seraient aussi les outils de l’essentialisation du critique en tant que pierre angulaire de l’objectivation d’une création révélée et nécessairement vouée à la postérité…

Objectivation ? Autant l’avouer ici, ce ne sont ni l’appareil critique de Tapié ni son style littéraire qui m’auront conduit à envisager la tenue de cette exposition…

Postérité ? Sur les plus de cent quatre-vingts artistes qui auront peuplé « l’écurie Tapié » et que Juliette Evezard aura recensés pour sa thèse [1], beaucoup sont aujourd’hui sortis des mémoires. Plus, moins que d’usage ? Je ne saurais dire…

Quant à la capacité de Tapié à avoir su identifier, et parfois fait émerger, quelques-uns parmi les plasticiens les plus significatifs du xxe siècle, il me semble fondamentalement qu’il n’aura eu que très peu d’alter ego.

C’est à ce Tapié-là, à ce « Grand Œil » s’il en est, qu’à travers une sélection que nous avons ambitionnée exigeante d’œuvres d’artistes qui nous sont chers – une peinture un peintre ! –, nous rendrons hommage à l’occasion d’une exposition qui se tiendra à la Fiac, du 18 au 21 octobre 2018, puis à la galerie Rive gauche, du 27 octobre au 22 décembre 2018.

Un catalogue sera publié en co-édition avec Skira. Il comportera notamment trois notices très détaillées élaborées par Juliette Evezard, Docteur en histoire de l’art, Baptiste Brun, Docteur en histoire de l’art, et Edouard Lombard, Directeur du Comité Georges Mathieu. Je me propose de vous dévoiler ces notices en avant-première sur mon blog à l’occasion des trois prochains posts…

Franck Prazan

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le grand Œil de Michel Tapié, 80 pages, 29 €, Coédition Applicat-Prazan / Editions Skira Paris, Création Communic’Art, Diffusion Editions Skira Paris

© Applicat-Prazan / © Éditions Skira Paris, 2018

ISBN 978-2-37074-086-1, Dépôt légal mai 2018, Imprimé en Belgique sur les presses de Geers Offset, Photos des œuvres © Art Digital Studio, Photo de couverture © Arnold Newman/Getty Images

_________________________

[1] Juliette Evezard, « Un art autre : le rêve de Michel Tapié de Céleyran, il profeta de l’art informel (1937-1987) : une nouvelle forme du système marchand – critique », thèse soutenue le 16 janv. 2015 sous la dir. de Th. Dufrêne, Université Paris-Ouest-Nanterre-La Défense.