Personne mieux que Jean Clair n’a parlé de l’Art de Zoran Music. Comment par conséquent apporter un éclairage pertinent à l’exposition qu’Applicat-Prazan consacrera à cet immense Artiste, et que nous inaugurerons à la Fiac prochaine ? J’ai choisi de confier à trois grands auteurs et témoins de leur temps le soin d’écrire les textes de notre catalogue à l’aune de leur approche toute personnelle du cri, de l’homme et de son message.
Oh combien d’actualité, vous en jugerez… !
En avant-première de la sortie du catalogue co-édité et distribué à partir d’octobre 2016 par Skira, et dont vous verrez que c’est un très bel objet, je soumets ici à votre lecture, en trois publications successives, les travaux de Boualem Sansal, Pascal Bruckner et Michaël Prazan.
La traduction anglaise de Deke Dusinberre suit la version française en bas de page.
No-one can talk about the Art of Zoran Music better than Jean Clair. How else could we gain a relevant insight into the exhibition that Applicat-Prazan is to devote to this immense Artist, and which will be inaugurated at the forthcoming FIAC? I chose to entrust the texts of our catalogue to three great authors, witnesses of their time, in the very terms of their personal approach to the cry, to the man and to his message.
And still it continues, as you will judge for yourselves…!
As a preview of catalogue – a beautiful object in itself – co-published and to be distributed in October 2016 by Skira, I am pleased to present for your perusal in three successive publications, the texts of Boualem Sansal, Pascal Bruckner and Michael Prazan.
The English translation by Deke Dusinberre follows the French version further down the page.
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Michaël Prazan : Zoran Music, L’Art du témoignage
Témoigner. Zoran Music ne fut pas le seul à ressentir cette urgence, comme une absolue nécessité. Tous les internés des camps de concentration, plus largement les prisonniers et travailleurs forcés destinés aux centres de mise à mort nazis, ceux qui avaient en eux les capacités et les outils leur permettant de le faire, ont répondu à cette injonction. À l’aide d’un morceau de charbon, d’un stylo chapardé ou obtenu par le troc ou la contrebande, d’un bout de papier trouvé dans les affaires d’un mort, ils ont écrit. Il fallait livrer au monde, quel que fût leur destin propre – aucun ne pensait survivre à l’expérience concentrationnaire ou au processus d’extermination –, la preuve de ce à quoi ils assistaient, de l’expérience unique à laquelle ils étaient confrontés. Ce fut le cas de Zalmen Gradowski, de Leib Langfus ou de Zalmen Lewental, trois membres des sonderkommando d’Auschwitz, trois travailleurs forcés juifs affectés aux « Krema » de Birkenau. Ils étaient chargés du pire travail possible : vider la chambre à gaz des corps qui s’y trouvaient pour les brûler ensuite dans des fours crématoires. Sous les coups, les injures et les brimades, sans répit. Dans le rythme effréné des convois qui venaient de toute l’Europe, habités par la certitude que leur tour viendrait. Ils étaient destinés au sort des cadavres qu’ils réduisaient en cendres, et ils y ont tous trois succombé. Après avoir frénétiquement noirci d’une écriture empressée, précise et sans fioritures, les bouts de papier qui leur tombaient sous la main, ils ont enfoui leurs manuscrits dans la terre, près des crématoriums. On les a retrouvés après la libération du camp, l’effondrement du IIIe Reich. Et leur disparition.
D’autres membres de ces sonderkommando, peut-être les mêmes, ont pu se procurer un appareil photographique. Depuis la chambre à gaz, ils ont pris des clichés, quatre photographies arrachées à la vigilance de leurs bourreaux, quatre instants de vie à Auschwitz-Birkenau. On y voit des femmes juives déportées de Hongrie à l’été 1944, entièrement nues, marcher au pas de course dans le bois de bouleaux vers leur assassinat. Sur d’autres clichés, on aperçoit quelques-uns des membres du sonderkommando traîner des cadavres au milieu d’une fumée infernale pour les brûler à l’air libre (le rythme des gazages était tel qu’on ne pouvait tous les incinérer dans les crématoires, pleins à ras bord). Au même moment, dans le camp d’Auschwitz-la Buna, Primo Levi rédigeait à la dérobée la première version de ce qui deviendrait plus tard Si c’est un homme.
Les condamnés ne possédaient pas toujours les aptitudes leur permettant de témoigner – la faculté de décrire ou de représenter ce qu’ils observaient et ce qu’ils vivaient. L’opportunité a pu s’y substituer. On pense alors à David Sivzon, du nom de cet électricien juif de Liepāja, en Lettonie. Au mois de décembre 1941, les Juifs de la ville, plus de 7000 personnes – toute la population juive de Liepāja –, essentiellement des femmes et des enfants, avaient été assassinés dans une longue tranchée creusée sur la plage de Skede par les Einsatzgruppen et leurs supplétifs locaux – en l’occurrence, un bataillon de la police lettonne. Ne demeurait en vie qu’un échantillon résiduel de travailleurs juifs, des ouvriers spécialisés dont le SD local avait besoin pour les travaux de maintenance. David Sivzon en faisait partie. Quelques semaines après les massacres de Skede, il fut envoyé dans l’appartement de Carl Strott, un responsable allemand du SD de Liepāja, pour y réparer des câbles électriques. Il n’y avait personne lorsqu’il se mit au travail. Sivzon remarqua un tiroir du bureau à moitié ouvert qui laissait apparaître quatre pellicules de films photographiques. L’électricien juif les examina à la lumière du jour. Il s’agissait d’une douzaine de photos, prises avec son appareil Minox par Strott en personne, le 15 décembre 1941. Les clichés retracent chaque étape du massacre de masse, du déshabillage sous bonne garde sur la plage jusqu’à cet ultime cliché où l’on aperçoit les corps inertes allongés au milieu de la tranchée ; ces corps qui, sur les photos précédentes, étaient encore des personnes vivantes, un groupe constitué de femmes et d’enfants. Sivzon empocha les pellicules. Il s’arrangea pour en faire des copies, puis simula une panne de courant pour revenir dans l’appartement de Strott et les replacer dans le tiroir. Parce qu’il était trop risqué de conserver les tirages sur lui ou dans ses affaires, aussi parce qu’il pouvait disparaître à tout moment dans le processus d’extermination, il décida de les cacher dans une boîte métallique qu’il enterra sous une étable. Sivzon survécut. À la libération, il déterra les photos qu’il envoya au service d’espionnage de l’armée soviétique. Les clichés servirent de pièce à conviction au tribunal de Nuremberg.
Témoigner. C’est le ressort premier de la série de croquis effectuée par Zoran Music au camp de Dachau, en 1945. Environ deux cents esquisses à l’encre, jetées sur le papier comme autant d’instantanés, et sur lesquelles s’égrènent, pris sur le vif, les visions horrifiques du paysage concentrationnaire. Cadavres décharnés, enveloppés dans leurs linceuls de fortune ou enclos dans des cercueils. Prisonniers chargeant les corps squelettiques destinés aux fours crématoires dans des charrettes ou sur la plateforme arrière des camions. Si la main du peintre formé à l’Académie des beaux-arts de Zagreb, rompu par ses talents de copiste à l’art du Siglo del Oro, ne tremble pas, la rapidité du geste, la concision du trait, sa maladresse assumée – car sans conséquence artistique – traduisent l’urgence du témoignage – du témoignage comme fonction et pour seule fin, du témoignage comme lien ultime avec l’humanité. La sienne d’abord (« peut-être une raison de s’en sortir » ; « peut-être une raison de résister »), mais surtout celle du dehors : l’humanité qui encadre la guerre, celle des gens normaux qui verront et comprendront le croquis à qui il se destine de manière abstraite et indirecte. Témoigner, dans ce contexte, c’est dialoguer avec l’humain, du moins ce qu’il en reste ; fût-il un songe, une nostalgie, un idéal ou une chimère.
Si ce n’était l’outil forgé par sa trajectoire personnelle (la peinture, la maîtrise graphique de l’anatomie et du mouvement – ici, de son absence), l’entreprise de Music au camp de Dachau ne le distingue pas, sur l’essentiel, de celle des sonderkommando d’Auschwitz, de celle de Primo Levi à la Buna, voire même de celle de David Sivzon à Liepāja. Les croquis de Dachau, en ce sens, ont sans doute plus à voir avec le reportage, le dessin de presse, qu’avec l’art en tant que tel. C’est après que les choses changent, comme elles changeront pour d’autres peintres et d’autres écrivains passés par les camps. Leur témoignage était si fort et si vrai, jusque dans les vides enserrant le trait, jusque dans les silences entre les mots, qu’il s’est imposé à eux. Presque nécessairement, il demeurerait l’assise et le maître étalon de leur style. Comme si, en dehors de ce témoignage fondateur, de sa référence dont ils ne parviendront jamais à s’extraire complètement, il n’y avait plus rien à dire, il n’était plus possible de rien dire. Resterait alors, tout en lui demeurant fidèle, à le transformer en esthétique. Faire autre chose, peut-être. Aller plus loin, sans doute. Mais sans le trahir.
Ainsi, lorsque, hanté par les horreurs de Dachau, Music renoue en 1970 avec la thématique du camp dans une série d’œuvres majeures, rassemblées sous le titre Nous ne sommes pas les derniers, l’ébauche et le croquis du témoignage liminaire deviennent naturellement la facture de son art. Ses représentations picturales – les monceaux de corps ou les visages hallucinés des cadavres aux yeux perforés, noirs comme des puits sans fond – travaillées comme jamais dans leurs formes, agrémentées d’une palette minimale de couleurs qui oscillent entre l’ocre et le rouge de la terre battue, de halos parcheminés qui font émerger les victimes déshumanisées, tragiquement interchangeables, de la chape d’oubli qui les a recouvertes, sont d’autant plus poignantes qu’elles semblent toujours plus vraies, comme si l’art venait à la rescousse du souvenir pour mieux le conjurer et le transcender, tout en lui demeurant résolument fidèle. Les rescapés qui ont poursuivi par la littérature le témoignage ébauché dans le camp, qui en ont fait la matière de leur œuvre, étaient obsédés par la justesse du ton et du style qu’ils devaient adopter, par la volonté de restituer le camp par une langue la plus pure et la plus simple possible, débarrassée des artefacts littéraires, de tout ce qui, par l’adverbe, l’adjectif ou le trope, risquerait de le noyer dans le maniérisme et les idiotismes propres à leur art. Tous craignaient l’invasion du pathos dans leurs œuvres – le pathos, qui est essentiellement « vie » et « mouvement ». Eux voulaient créer une écriture de Mort, une écriture qui traduise la mort avec le plus de réalisme possible. Pour demeurer au plus près de leur sujet et de l’expérience qu’ils avaient traversée et qu’ils ne voulaient perdre à aucun prix, ils ont bridé certaines de leurs tendances au lyrisme, au sentimentalisme, à l’hyperbolique, à l’emphatique, au métaphorique. Cette recherche de distanciation a été paraphrasée par Jean Améry, le rescapé autrichien d’Auschwitz et l’auteur de Par-delà le crime et le châtiment, d’« objectivité distinguée ». Il s’agissait pour l’artiste de disparaître derrière la représentation, et pour ce faire, de réprimer en soi l’égotisme de l’artiste. « Autrement dit, même s’ils [les écrivains du camp] reconnaissent à contrecœur que l’objectivité – qui a effectivement une réputation d’élégante civilité – n’existe pas dans sa forme absolue, ils essayent de sauver ce qui peut l’être, sans toutefois contester le principe même de la recherche d’objectivité. »
« L’écriture blanche » issue des camps (Primo Levi, Jorge Semprún, Robert Antelme, Elie Wiesel, David Rousset), mise au jour par les critiques et les commentateurs, pourrait aussi bien qualifier l’œuvre de Music. Primo Levi disait qu’il était inutile de souligner l’horreur par des mots ou des effets de style, puisque l’horreur se trouvait déjà dans ce qu’il écrivait. Il en va de même de la série Nous ne sommes pas les derniers. Et, même après, dans les œuvres qui se veulent détachées du souvenir de Dachau, qui renouent plus volontiers avec l’histoire de la peinture et de ses figures traditionnelles, tels le portrait, l’autoportrait, le nu. C’est comme si l’ombre de Dachau, sa gamme chromatique, ses formes fantomatiques et crépusculaires, se perpétuait en elles, comme si, grâce au style unique choisi par le peintre pour traduire le camp, il le faisait entrer dans l’histoire de l’art. « Ce que j’ai vécu à Dachau m’a appris à m’attacher à l’essentiel, à éliminer tout ce qui n’est pas indispensable », commentait Music à la fin de sa vie. « Aujourd’hui encore, je peins avec un minimum de moyens. Il n’y a plus, dans ces travaux, ni gestes, ni violence. On parvient à une sorte de silence qui est peut-être un aspect caractéristique de mon travail. Il n’y avait jamais, voyez-vous, dans la mort de tous ces gens à Dachau, la moindre rhétorique. »
Le témoignage est circonscrit à l’événement dont il témoigne. Il s’inscrit dans un lieu et dans un moment de l’histoire. L’art lui permet de l’évaser, de le décloisonner, de l’extraire de l’événement proprement dit pour lui conférer une dimension universelle. C’est à tel point vrai que, pour chacun, les œuvres de Music décrivent la Shoah, le génocide de six millions de Juifs, alors même que Music n’était pas juif, et que Dachau, symbole pour être le premier d’entre eux du camp nazi, assurément l’un des plus meurtriers, de ceux où la mortalité sévissait sous toutes les formes possibles et imaginables, n’était pas Auschwitz. S’il y a eu la volonté d’assassiner en masse les détenus à Dachau, la chambre à gaz que l’on présume avoir été installée dans le baraquement X en 1943 n’aurait, selon l’historien Pierre Vidal-Naquet, jamais fonctionné. De même, la force symbolique des œuvres de Music, particulièrement la série Nous ne sommes pas les derniers, se poursuit bien au-delà de l’espace concentrationnaire nazi et de la guerre, son art produisant comme une page blanche sur laquelle sont projetées toutes les horreurs du monde contemporain ; tout ce qui peut avoir trait à l’enfermement, l’avilissement, la déshumanisation, la privation de liberté et d’identité, la mort et le supplice au nom d’une « politique ». Music pensait, au sortir de la guerre, être parmi les derniers. Il pensait accompagner, par son témoignage et par son œuvre, la fin d’une histoire ; celle des camps et des idéologies meurtrières. Il croyait participer à une forme d’antidote à la barbarie, voulant croire que l’humanité avait pris conscience du cataclysme sans précédent auquel il avait échappé. Qu’elle en tirerait les leçons. Il n’en fut rien. « Le temps passant, je vis que le même genre de chose recommençait à se produire partout dans le monde : au Viêt Nam, dans le Goulag, en Amérique latine, partout. Et je me rendis compte que ce que nous nous étions dit alors, que nous serions les derniers, n’était pas vrai. Ce qui est vrai, c’est que nous ne sommes pas les derniers. »
Au cœur du terrible conflit qui déchira la Yougoslavie au milieu des années 1990, l’écrivain Pascal Bruckner, qui l’a croisé à ce moment-là, se souvient que toutes les parties en présence s’arrachaient le symbole que représentait pour chacun le peintre, alors âgé de 83 ans. Pour les Serbes, il était l’opposant au nazisme, une figure de la résistance dont ils entendaient soutenir l’héritage. Pour les Croates, il était l’un des leurs parce que, bien qu’il fût d’origines mêlées, à la fois slovène et italienne, Music était né en Dalmatie et avait fait ses études à Zagreb. Quant aux Bosniaques, ils reconnaissaient dans sa peinture les victimes de Srebrenica et du « nettoyage ethnique » perpétré par les milices de Radovan Karadžić.
Zoran Music est mort en 2005. Il nous a légué une œuvre monumentale et intemporelle. Une œuvre qui témoigne du naufrage de l’Europe entre 1939 et 1945, mais qui, excédant sa tragédie et sa temporalité, raconte l’humanité suppliciée, en tous lieux et de tout temps. Aujourd’hui qu’un nouveau totalitarisme s’est levé, que sa barbarie ne connaît pas de frontières, que les civils sont de nouveau martyrisés, massacrés, crucifiés, décapités, que chrétiens d’Orient et Yézidis sont potentiellement les victimes d’un nouveau génocide, en Irak et en Syrie, l’œuvre de Music résonne comme jamais. Music et ses camarades d’infortune n’étaient pas les derniers. Ils étaient une avant-garde, des éclaireurs aux avant-postes de l’éternel fracas du monde. Le travail de Zoran Music, tissé du témoignage vécu, d’horreur et de beauté mêlée (contradictions que l’art seul peut faire tenir ensemble), est autant un rappel qu’un avertissement. « N’oubliez pas que cela fut,
écrivait Primo Levi. Non, ne l’oubliez pas :
Gravez ces mots dans votre cœur.
Pensez-y chez vous, dans la rue.
En vous couchant, en vous levant ;
Répétez-les à vos enfants.
Ou que votre maison s’écroule,
Que la maladie vous accable,
Que vos enfants se détournent de vous. »
Impressionnez ces images sur votre rétine, imprimez-les dans votre mémoire, aurait pu ajouter Music. Car ce que vous voyez fut et sera encore.
Michaël Prazan
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Michaël Prazan: Zoran Music, The Art of Bearing Witness
To bear witness: Zoran Music was not the only person to experience that urge as an absolute necessity. All inmates of concentration camps—and, more broadly, the prisoners and forced laborers sent to the Nazi death centers who had the requisite ability and skills—fulfilled the injunction to testify. They wrote things down with a piece of charcoal, or with a pen that was pilfered, swapped or smuggled in, on a scrap of paper found among a dead man’s possessions. They had to tell the world of their fate—none of them thought they would survive the camp experience or the extermination process. They needed to prove what they were witnessing, the unprecedented experience they were undergoing. Such was the case of Almen Gradowksi, Leib Langfus, and Zamen Lewental, three Jewish forced laborers at Auschwitz, part of a Sonderkommando assigned to the Birkenau “Krema.” They were given the worst possible task: emptying the gas chamber of bodies and then burning them in the crematoria. All the while receiving blows, insults, harassment. Without respite. To the hectic pace of the convoys arriving from all over Europe, haunted by the certainty that their own turns would come. They were condemned to the same fate as the corpses they burned to ashes; and all three met that fate. After having frantically scribbled in hasty yet plainly accurate handwriting on scraps of paper that came their way, they buried their manuscripts in the ground, near the crematoria. Those papers were found after the camp was liberated, after the Third Reich fell. And after they had died.
Other members of a Sonderkommando—perhaps the same—got their hands on a camera. They took pictures of the gas chamber, four photos snatched from under their executioners’ noses, four slices of life at Auschwitz-Birkenau. The photos show Jewish women deported from Hungary in the summer of 1944, completely naked, walking swiftly through the woods to their murder. Other photos show a few members of the Sonderkommando dragging bodies amid the hellish smoke, in order to burn them outdoors (gassings were so thick and fast that not all bodies could be incinerated in the overflowing crematoria). At the same moment, in the Buna camp at Auschwitz, Primo Levi was secretly writing the first draft of what would later become If This Is a Man.
The doomed did not always have the skills to enable them to bear witness, the ability to write or to depict what they saw and experienced. But luck might replace that lack. Take David Sivcon, a Jewish electrician from Liepaja in Latvia. In the month of December 1941, the entire Jewish population of the town of Liepaja—over 7,000 people, mainly women and children—was murdered in a long trench dug on the beach of Skede by Einsatzgruppen and their local allies (in this case, a battalion of Latvian police). The only survivors were a residual group of Jewish laborers—specialized workers needed by the local Sicherheitsdienst (SD) for maintenance work. Sivcon was one of them. A few weeks after the massacre at Skede, he was sent to repair the electrical wiring at the apartment of Carl Strott, a German overseer of the SD in Liepaja. No one was around when Sivcon got down to work. In the half-open drawer of a desk he noticed four rolls of film. He examined them in daylight, and found that there were a dozen photos taken by Strott himself with his Minox camera on December 15, 1941. The pictures recorded each step of the mass killing, from undressing on the beach under the guards’ gaze to a final photo of dead bodies aligned in the middle of the trench—the same bodies that, in earlier shots, had been a living group of women and children. Sivcon pocketed the rolls of film, had copies made, then faked an electrical blackout in order to return to Strott’s apartment and put them back in the drawer. Since it was too risky to keep the prints on his person or among his things, and since he, too, could vanish at any moment during the extermination process, Sivcon decided to store them in a metal box that he buried beneath a stable.
Sivcon survived. On being liberated he dug up the photos, which he sent to the Soviet army’s espionage agents. At the Nuremberg trials, these photos were used as evidence.
To bear witness: that was the initial motive behind the series of sketches done by Zoran Music in the Dachau camp in 1945. Some two hundred drawings in ink scrawled on paper, like so many snapshots. One by one, done from life, they show horrific visions of the camp landscape. Fleshless corpses wrapped in makeshift shrouds or dumped in coffins. Prisoners loading skeletal bodies headed for the crematorium onto carts, or onto trucks. While the hand of the artist trained at the academy of fine arts in Zagreb—reinforced by his talent as a copyist of seventeenth-century art—did not tremble, the swiftness and concision of lines whose awkwardness is deliberate (because artistically insignificant) convey the urgency of the testimony. Testifying was the point, the sole goal. Testifying was his final link to humanity: his own humanity, firstly (“maybe a reason to survive, maybe a reason to hold out”), but mainly the rest of humanity, the humanity surrounding the war, the humanity of normal people who would see and understand the sketch addressed to it in an abstract, indirect way. Bearing witness, in this context, meant conversing with humanity, or at least what remained of humanity, whether just a dream, nostalgia, ideal, or illusion.
If it hadn’t been for the tools honed by his personal career (the study of painting, mastery of the visual depiction of anatomy and movement—or its absence, as here), Music’s project at Dachau would not have differed, in essence, from those of the Sonderkommando at Auschwitz or from Levi’s at Buna, indeed from Sivcon’s at Liepaja. In this respect, the Dachau sketches relate more to reporting, to press illustration, than to art as such. It was afterward that things evolved, just as they would evolve for other artists and writers who experienced the camps. Their testimony was so powerful and so authentic, including the gaps ringing the lines and silences separating the words, that bearing witness became crucial. Almost of necessity it would remain the basis, the measure, of their style. It was as though there was nothing left to say outside that initial testimony, outside what it pointed to, something they could never completely escape. It was no longer possible to say anything. What remained, then, was to transform that testimony into artistry even while remaining faithful to it. Or maybe do something different. Perhaps take things further. Yet without betraying it.
So when in 1970, haunted by the horrors of Dachau, Music took up the concentration camp theme in a series of major works collectively known by the title of We Are Not the Last, the drawings and sketches of the initial testimony naturally dictated the handling of these pieces. His depictions—the heaps of bodies, or the haunted faces of empty-eyed corpses, black like bottomless wells—were developed as never before in terms of form, matched by a reduced palette of colors shifting between ocher and an earthen red, by wizened haloes that bring forth the dehumanized, tragically interchangeable victims. The weight of oblivion blanketing them is all the more poignant for seeming truer than ever, as though art has come to the rescue of memory the better to conjure it away and transcend it, even while remaining steadfastly faithful to it. The survivors who pursued, through writing, the testimony scribbled in the camps, turning it into the substance of their oeuvre, were obsessed by finding the right tone and style to be adopted, by the desire to recount the camp experience in the purest, most straightforward language possible. They were desperate to avoid literary artifacts or anything that might overwhelm that account—an adverb, adjective, or trope—through the mannerisms and idioms specific to their art. All feared that their works would be invaded by pathos—the pathos that is essentially “life” and “movement.” They wanted to forge a literature of Death, a literature that would convey death as realistically as possible. In order to remain close to their subject and to the experience they underwent, which they wanted to retain at all cost, they reined in their inclinations toward lyricism, sentimentalism, hyperbole, bombast, metaphor. Jean Améry, an Austrian survivor of Auschwitz, described this distanciation as “refined objectivity” in his book At the Mind’s Limits. The artist had to vanish behind the picture and, by doing so, repress artistic ego. “Even if it is reluctantly acknowledged [by writers about the camp experience] that objectivity—which, indeed, has a reputation for decent correctness—is impossible in an absolute form, [they] try to save what can be saved while not questioning the way of thinking.”
The “blank” writing that emerged from the camps (by the likes of Primo Levi, Jorge Semprun, Robert Antelme, Elie Wiesel, and David Rousset), as discussed by critics and commentators, might also describe Music’s work. Levi said it was pointless to stress the horror through stylistic or literary effects, since the horror was already in what he wrote. The same is true of the We Are Not the Last series and, even later, of those works allegedly unrelated to recollections of Dachau, which deliberately address the history of painting with its traditional genres of portrait, self-portrait, and nude. It is as though the shadow of Dachau—its chromatic range and its ghostly, twilit shapes—survived in the latter; it is as though Music inserted the unique style he adopted to convey the camp into the history of art. “What I experienced at Dachau,” said Music toward the end of his life, “taught me to stick to essentials, to eliminate everything that wasn’t indispensible. Even today, I paint with a minimum of means. In these works there is no longer gesticulation or virulence. They attain a kind of silence that is perhaps a characteristic feature of my work. There was never the least rhetoric, you see, in the deaths of all those people at Dachau.”
Testimony is circumscribed by the event it records. It is inscribed in a place and moment of history. Art allows testimony to broaden out, to break free, to escape from a specific event in order to acquire a universal dimension. Thus everyone thinks Music’s work describes the Holocaust—the genocide of 6 million Jews—even though Music wasn’t Jewish and Dachau wasn’t Auschwitz (although it was highly symbolic for being not only the first Nazi camp but also one of the most deadly, where death was dealt in every possible and imaginable form). Even though prisoners were extensively murdered at Dachau, the gas chamber that is thought to have been installed in Barracks X in 1943 was never put into operation, according to historian Pierre Vidal-Naquet. Similarly, the symbolic impact of Music’s works, especially the series of We Are Not the Last, extends beyond the realm of Nazi camps and war; his art creates a kind of blank page on which all the horrors of today’s world can be projected—everything related to detention, debasement, dehumanization, deprivation of freedom and identity, death and torture in the name of some “policy.” At the end of the war, Music thought he was one of the last. He thought his testimony and his work would represent the end of a story, the story of deadly ideologies and concentration camps. He thought he was helping to produce a kind of antidote to barbarity, he wanted to believe that humanity had taken note of the unprecedented catastrophe it barely escaped. He wanted to believe that humanity would learn the lesson. Not so. “As time went on, I saw that the same kind of thing was beginning to recur all over the world—in Vietnam, in the Gulag, in Latin America, everywhere. I realized that what we told ourselves earlier, that we would be the last, wasn’t true. What’s true is that we’re not the last.”
In the midst of the terrible war that racked Yugoslavia in the mid-1990s, the writer Pascal Bruckner, who traveled across the land, recalled that everyone there symbolically pictured Music, then aged eighty-three, in their own way. For Serbs, he was the adversary of Nazism, a resistance fighter whose heritage they wanted to preserve. Croats felt that he was one of them, because although of mixed background—simultaneously Slovenian and Italian—Music was born in Dalmatia and had studied in Zagreb. The Bosniacs, meanwhile, identified his paintings with the victims of Srebenica and the “ethnic cleansing” perpetrated by Radovan Karadzic’s militia.
Zoran Music died in 2005. He left behind a monumental, timeless oeuvre. It bears witness to the catastrophe in Europe between 1939 and 1945, and also, extending beyond the time-frame of that tragedy, to the torture of humanity in all places and periods. Now that a new totalitarianism has emerged, now that barbarity knows no borders, when civilians are once again being tortured, massacred, crucified, and decapitated, when Eastern Christians and Yazids in Syria and Irak are perhaps facing a new genocide, Music’s oeuvre resonates all the more powerfully. He and his fellows in misfortune were not the last. They were an avant-garde, they were scouts on the outposts of the world’s endless havoc. Music’s work, woven from personal experience into a blend of beauty with horror (a contradiction that only art can sustain), is as much a warning as a reminder. “Never forget that this has happened,” wrote Primo Levi. “Remember these words. Engrave them in your hearts, when at home or in the street, when lying down, when getting up. Repeat them to your children. Or may your houses be destroyed, may illness strike you down, may your offspring turn their faces from you.”
Etch these images onto your retinas, Music might have added. Etch them into your mind. Because what you see was, and will be again.
Michaël Prazan