Angleterre 0 – Brexit 2 ?

Ma surprise au soir du match Angleterre – Islande, lundi 27 juin, n’a connu de récente égale que celle éprouvée le vendredi précédent, au réveil douloureux du référendum britannique sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union Européenne.

Décidément, l’Euro ne réussit pas aux anglais… !

Et si, contre l’avis de tous les cassandres, c’était l’inverse qui devait prévaloir ? Et si l’Angleterre sortait vainqueur contre l’Europe du pugilat annoncé (si tant est qu’il ait finalement lieu !) ?

Effondrement du Sterling, marasme immobilier, perte de 8 à 10 points de PIB d’ici à 2020, relégation de la City au rang de place subalterne, fuite des expatriés et, surtout, pour ce qui me concerne, désaffection de Londres comme épicentre régional du marché de l’art au profit de Paris…

A peu de choses près fédéraliste, je me sens autant européen que français, et je dois dire qu’à ce double titre cette perspective aurait de quoi me ravir, n’était l’admiration profonde que je voue à la culture et à l’histoire de nos grands voisins de par-delà la Manche !

Et s’il en était autrement ? Et si, fidèles à leur tradition, nos meilleurs ennemis (ou pires amis) trouvaient les ressources qu’ils ont toujours su quérir pour faire fi des persiflages et ouvrir par-là même la voie pernicieuse aux souverainistes de tous poils (dont la seule chose qui m’apparaisse certaine est qu’ils ne pourront pas compter sur les ressources internes dont j’entrevoie déjà la convocation, passées les falaises de Douvres !).

Le Royaume-Uni (Londres, quasi-exclusivement), c’est 21% du marché de l’art ! Certes, loin derrière les Etats-Unis (43%), mais 3,5 fois mieux que la France (6%), et 10 fois plus que l’Allemagne !

Bien entendu, il suffirait que Christie’s et Sotheby’s en décident, mettons en privilégiant désormais Paris, pour que la donne en fut changée. Il n’en sera rien !

Imaginons, imaginons seulement :

  • La livre redonne durablement 20% de pouvoir d’achat supplémentaire aux collectionneurs de tous horizons qui se vivent en dollars ou en euros ;
  • Contre la volonté populaire, le statut des NonDom conquiert une nouvelle liberté à mesure que s’éloigne Bruxelles ;
  • La perspective d’une sortie effective de l’Angleterre de l’Union accélère – et amplifie – le départ des derniers candidats à l’exil fiscal à destination de Londres qui anticiperaient l’exigibilité de l’Exit Tax ;
  • L’impôt sur les sociétés est ramené de 20 à 15% (voire à 12,5% pour contrer l’Irlande), quand il demeure en France à 34,33% ;
  • l’Ecosse réussit l’exploit de concomitamment demeurer dans le Royaume-Uni et d’adhérer à l’Union Européenne, rendant par-là même chimérique tout rétablissement des barrières douanières entre l’Angleterre et les 27, et faisant de Glasgow un nouveau hub en Grande-Bretagne… (Bon, ça je l’admets, ce n’est pas le plus certain car il est peu probable que l’Union Européenne n’y trouve rien à redire…) ;
  • Et quand bien même la TVA à l’importation serait rétablie, renchérissant les œuvres d’art en provenance de l’Union Européenne, elle ne pèserait, en ventes publiques, que 5% sur le prix d’adjudication. Or, d’une part l’élasticité de la demande des enchérisseurs est faible par rapports aux frais que lui font supporter les maisons de vente et, d’autre part, c’est le vendeur qui décide du lieu de vente. S’il considère que Londres, malgré sa perte de compétitivité liée à la TVA à l’importation, demeure commercialement le meilleur choix, il prendra en compte le fait que les enchères progressent par incréments de 10%. Une enchère de plus à Londres qu’à Paris, c’est 10% de produit supplémentaire, pour le vendeur et pour la maison de vente ! Tant pis pour l’acheteur qui paiera bien en sus la TVA à l’importation …!
  • … Et puis, n’oublions pas, parallèlement, le droit de suite aura disparu d’Albion qui l’aura tant décrié (avant d’en transférer indument la charge à l’acheteur alors qu’elle incombe au vendeur!).

Non, décidément, pour battre les anglais, il va falloir, comme les islandais au football, que nous soyons meilleurs qu’eux… et là, ce n’est pas encore gagné !

Source des chiffres: Tefaf Art Market report 2016 / Arts Economic / Clare McAndrew