Le point médian

Je suis petit-fils d’immigrés morts en déportation et, conséquence du désagrément qui précède, fils d’un garçon de l’assistance publique. J’ai grandi dans un milieu modeste que les temps d’alors, forcés par le travail, ont permis qu’il s’extirpe de sa propre condition.

Chez moi, toutes les origines, couleurs, nationalités, citoyennetés, sexes, préférences, croyances, orientations et choix étaient non seulement respectés, mais surtout recueillis avec une certaine ferveur que l’espérance portée par la promesse du triptyque républicain avait sans doute enfantée ! Et si aujourd’hui il me semble que l’Equité et la Justice sont d’application plus pratique que l’Egalité et la Fraternité, c’est bien à la Liberté que je dois de pouvoir l’exprimer !

Si le français relevait sans doute d’une piètre xénoglossie du côté de ma famille paternelle engloutie, en revanche, il avait valeur d’absolu du côté maternel. Rien, jamais, ne serait plus inclusif que la quête – souvent vaine ! – d’un imparfait du subjonctif, qu’une exception qui confirme la règle, qu’une figure de style rondement menée ! Cette gourmandise aurait-elle été plus légitime pour eux que du côté de mon Père ? en tous cas, certainement pas du fait de leur ancrage ancestral, compte tenu que les arrivées respectives en France avaient été à peu près concomitantes !

Je suis enfin père de trois filles, et je sais le prix de l’outrance qu’une femme peut subir. Ceux qui me l’ont appris le connaissent également.

Voilà pour le contexte !

A plusieurs reprises, il m’est récemment arrivé d’avoir à batailler pour obtenir, qu’à l’issue d’une demande d’entretien formulée par un média compatriote, mes propos ne soient pas retranscrits dans une autre langue que le français, savoir dans une langue qui serait, elle, par opposition à la mienne, donc, inclusive !

Or, je l’affirme, et je me tiens pour parfaitement légitime à le faire : le vrai point médian du creuset français (le seul?), c’est sa langue !

Pour moi, il n’est aucune promesse d’avenir ensemble, ni aucune compréhension commune du présent – sans parler du passé ! – pour qui ne se comprend pas. Commençons donc par intégrer le français, maîtrisons autant que possible le baroque de son orthographe, délectons-nous de la subtilité de sa stylistique, perdons-nous dans les méandres de sa grammaire, immergeons-nous dans les abymes de son lexique… et nous n’en serons que plus inclus !

Bonnes fêtes à tous !

Franck Prazan