Une mesure simple et efficace

Parmi les difficultés auxquelles les diffuseurs d’œuvres et objets d’art en ventes privées (galeries d’art contemporain au 1er marché, marchands d’art moderne et antiquaires au 2nd marché) sont confrontés figure en bonne place la faiblesse structurelle de leurs fonds propres.

Les fonds propres sont la source de financement idéale qui permet notamment de constituer des stocks. Les stocks sont par ailleurs la promesse du renforcement à venir des fonds propres. Un cercle vertueux, en quelque sorte … Encore faut-il bien acheter, ce qui, dans la plupart des cas, échappe à toutes les recettes !

Rares sont les banques qui apportent leurs concours au financement des stocks. Mieux vaut donc pouvoir compter sur ses forces endogènes, dans un domaine par ailleurs potentiellement fortement capitalistique.

On cherche souvent les raisons qui permettraient d’expliquer le retard des acteurs français par rapport à leurs homologues anglo-saxons. Seraient-ils moins efficaces, nos Artistes seraient-ils moins bons ? Peut-être ! Ou pas ! Moi, je ne crois pas ! Je pense que nous souffrons surtout d’un manque criant de fonds propres !

Contrairement à la plupart des secteurs économiques, la durée de vie des biens que nous commercialisons dépasse celle de leurs diffuseurs. Non seulement, ils ne sont par nature pas périssables, mais ils n’ont aucune vocation à l’obsolescence (même si, dans les faits, et sans parler de talent, c’est ce qui guette la production des moins chanceux de leurs créateurs !). Une œuvre d’art nous survit et, en principe, les propriétaires de son support matériel aspirent à ce qu’elle se valorise (ceux de son support moral, l’Artiste ou ses ayants droit, également !).

Au 1er, comme au 2nd marché, constituer des stocks, c’est capitaliser pour l’avenir !

Prenons le cas particulier des galeries d’art contemporain. Le métier qu’elles pratiquent est en fait celui d’agent ! Mais en beaucoup plus sophistiqué puisqu’il faut produire, participer aux foires, forger du sens visant à objectiver le travail des Artistes, et disposer d’un lieu permanent sans lequel point de salut (c’est-à-dire ni expositions, ni accès aux foires !). Pourtant, le plus souvent, toutes les ressources financières consacrées sont absorbées par ces charges immatérielles. Elles contribuent largement à valoriser le travail de l’Artiste qui, lui, les capitalise (et c’est justice, car sans Artiste, pas de marchands !), à contrario du diffuseur dont la seule perspective de capitalisation, savoir la constitution d’un stock, lui échappe par manque de moyens. Si de surcroît à terme l’Artiste change de galerie, ce qui arrive de temps en temps, il ne reste le plus souvent au galeriste que de beaux souvenirs…

Au 2nd marché, l’évolution récente des prix des grands Artistes modernes a été telle que, bien souvent, au moment où une œuvre comparable se présente, il faudrait pouvoir la racheter plus chère qu’on ne l’a vendue !

Dans les deux cas, seul le stock judicieusement constitué est gage de pérennité !

Je propose l’instauration d’un mécanisme propre à stimuler la compétitivité des diffuseurs d’œuvres et objets d’art en France par l’incitation à l’investissement en stock.

En voici le descriptif :

Terrain fiscal :

Provisions réglementées

Dénomination de la mesure :

Provision pour constitution de stocks d’œuvres et objets d’art, de collection ou d’antiquité

Buts recherchés :

  • Incitation à l’investissement en stock ;
  • Renforcement des fonds propres des diffuseurs ;
  • Renforcement des ressources des Artistes plasticiens ;
  • Soutien à l’économie nationale des biens culturels dans un contexte concurrentiel défavorable à la France depuis plusieurs années ;
  • Augmentation des recettes fiscales induites en termes de TVA et d’IS principalement par effet multiplicateur d’activité.

Description :

  • Le dispositif permet l’amortissement linéaire sur trois ans des achats d’objets d’art, de collection ou d’antiquité (tels que définis à l’article 98 A de l’annexe III du CGI) intervenus au cours d’un exercice quelconque et non vendus au jour de la clôture dudit exercice ;
  • Le bénéfice de cette mesure est subordonné à la condition qu’un montant au moins équivalent à la provision correspondante soit consacré à l’achat de nouveaux stocks au cours de l’exercice suivant ;
  • Au cas où le montant consacré à ces achats serait inférieur à la provision, celle-ci serait reprise a dû concurrence de la différence ;
  • Le prix d’achat initial demeure la base de référence pour le calcul de la TVA sur la marge.

Illustration :

  • Tout ce qu’un marchand, galeriste ou antiquaire aura acheté sur un an et qui n’aura pas été vendu à la date de clôture de l’exercice (disons 120) pourra bénéficier d’un amortissement automatique linéaire sur 3 ans (40 / 40 / 40) ;
  • La condition est que ce diffuseur consacre l’année suivante au moins la même somme au réinvestissement dans son stock que celle provisionnée l’année précédente (40 donc) ;
  • La provision génère pour ceux qui payent de l’impôt sur les sociétés un surcroît de trésorerie égal à [40 x (33 1/3 %)] = 13,33 ;
  • Pour l’état, le manque à gagner en impôt n’est au pire que reporté dans le temps [puisqu’un stock qui aurait été entièrement provisionné (disons 120) générerait une marge commerciale (taxable à l’IS nette de charges) égale à son prix de vente], et au mieux plus que compensé par l’effet multiplicateur du réinvestissement.

Cette mesure a été présentée au Ministère de la Culture et de la Communication en 2015 avec le soutien du Comité Professionnel des Galeries d’Art et du Syndicat National des Antiquaires. Elle a ensuite été défendue par le Ministère dans le cadre de la préparation du Projet de Loi de Finances pour 2016.

Il a un temps été question qu’elle puisse ne s’appliquer que partiellement pour ne bénéficier qu’aux galeries de 1er marché, ce qui contreviendrait tant à son esprit qu’à son efficacité, et qui serait donc contre-productif. Un amendement en ce sens a même été défendu en octobre 2015 par MM Bloche et Muet qui n’a pas prospéré.

Espérons qu’elle puisse prochainement être entendue, dans toute sa portée et pour tous les diffuseurs en ventes privées… Ce qui ne manquerait pas de bénéficier également aux diffuseurs en ventes publiques qui comptent parfois les premiers parmi leurs clients…

Angleterre 0 – Brexit 2 ?

Ma surprise au soir du match Angleterre – Islande, lundi 27 juin, n’a connu de récente égale que celle éprouvée le vendredi précédent, au réveil douloureux du référendum britannique sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union Européenne.

Décidément, l’Euro ne réussit pas aux anglais… !

Et si, contre l’avis de tous les cassandres, c’était l’inverse qui devait prévaloir ? Et si l’Angleterre sortait vainqueur contre l’Europe du pugilat annoncé (si tant est qu’il ait finalement lieu !) ?

Effondrement du Sterling, marasme immobilier, perte de 8 à 10 points de PIB d’ici à 2020, relégation de la City au rang de place subalterne, fuite des expatriés et, surtout, pour ce qui me concerne, désaffection de Londres comme épicentre régional du marché de l’art au profit de Paris…

A peu de choses près fédéraliste, je me sens autant européen que français, et je dois dire qu’à ce double titre cette perspective aurait de quoi me ravir, n’était l’admiration profonde que je voue à la culture et à l’histoire de nos grands voisins de par-delà la Manche !

Et s’il en était autrement ? Et si, fidèles à leur tradition, nos meilleurs ennemis (ou pires amis) trouvaient les ressources qu’ils ont toujours su quérir pour faire fi des persiflages et ouvrir par-là même la voie pernicieuse aux souverainistes de tous poils (dont la seule chose qui m’apparaisse certaine est qu’ils ne pourront pas compter sur les ressources internes dont j’entrevoie déjà la convocation, passées les falaises de Douvres !).

Le Royaume-Uni (Londres, quasi-exclusivement), c’est 21% du marché de l’art ! Certes, loin derrière les Etats-Unis (43%), mais 3,5 fois mieux que la France (6%), et 10 fois plus que l’Allemagne !

Bien entendu, il suffirait que Christie’s et Sotheby’s en décident, mettons en privilégiant désormais Paris, pour que la donne en fut changée. Il n’en sera rien !

Imaginons, imaginons seulement :

  • La livre redonne durablement 20% de pouvoir d’achat supplémentaire aux collectionneurs de tous horizons qui se vivent en dollars ou en euros ;
  • Contre la volonté populaire, le statut des NonDom conquiert une nouvelle liberté à mesure que s’éloigne Bruxelles ;
  • La perspective d’une sortie effective de l’Angleterre de l’Union accélère – et amplifie – le départ des derniers candidats à l’exil fiscal à destination de Londres qui anticiperaient l’exigibilité de l’Exit Tax ;
  • L’impôt sur les sociétés est ramené de 20 à 15% (voire à 12,5% pour contrer l’Irlande), quand il demeure en France à 34,33% ;
  • l’Ecosse réussit l’exploit de concomitamment demeurer dans le Royaume-Uni et d’adhérer à l’Union Européenne, rendant par-là même chimérique tout rétablissement des barrières douanières entre l’Angleterre et les 27, et faisant de Glasgow un nouveau hub en Grande-Bretagne… (Bon, ça je l’admets, ce n’est pas le plus certain car il est peu probable que l’Union Européenne n’y trouve rien à redire…) ;
  • Et quand bien même la TVA à l’importation serait rétablie, renchérissant les œuvres d’art en provenance de l’Union Européenne, elle ne pèserait, en ventes publiques, que 5% sur le prix d’adjudication. Or, d’une part l’élasticité de la demande des enchérisseurs est faible par rapports aux frais que lui font supporter les maisons de vente et, d’autre part, c’est le vendeur qui décide du lieu de vente. S’il considère que Londres, malgré sa perte de compétitivité liée à la TVA à l’importation, demeure commercialement le meilleur choix, il prendra en compte le fait que les enchères progressent par incréments de 10%. Une enchère de plus à Londres qu’à Paris, c’est 10% de produit supplémentaire, pour le vendeur et pour la maison de vente ! Tant pis pour l’acheteur qui paiera bien en sus la TVA à l’importation …!
  • … Et puis, n’oublions pas, parallèlement, le droit de suite aura disparu d’Albion qui l’aura tant décrié (avant d’en transférer indument la charge à l’acheteur alors qu’elle incombe au vendeur!).

Non, décidément, pour battre les anglais, il va falloir, comme les islandais au football, que nous soyons meilleurs qu’eux… et là, ce n’est pas encore gagné !

Source des chiffres: Tefaf Art Market report 2016 / Arts Economic / Clare McAndrew

« Zao Wou-ki n’est pas Vincent van Gogh, et comparaison n’est pas raison ! »

Tribune parue dans Le Quotidien de l’art le 23 mai 2016

En mars dernier, un projet d’amendement parlementaire avait été rejeté qui visait à créer une obligation nouvelle pour certains biens culturels dont la mise en vente publique aurait impérativement dû intervenir en France si elle avait eu lieu dans l’année qui aurait suivi la demande du certificat (dit passeport).

L’occasion m’avait alors été une première fois offerte par le Quotidien de l’Art d’écrire qu’empêcher par la contrainte que des œuvres d’Artistes de France n’aillent se confronter à celles de leurs homologues étrangers sur le champ de bataille des grandes ventes internationales, à New York, Londres, ou Hong Kong, c’était entreprendre un exercice d’affaiblissement délibéré de notre puissance culturelle, réduire ces œuvres à la portion congrue du marché, les ramener à nos propres turpitudes, les frapper d’un handicap dont elles n’avaient avant tout pas besoin.

Par ailleurs, il était assez évident qu’une telle mesure, si elle avait été adoptée, aurait très certainement contrevenu aux réglementations européennes qui établissent notamment la libre prestation de services au sein de l’Union.

Un nouvel amendement vient d’être proposé au Sénat en seconde lecture du projet de loi Liberté de la création, architecture et patrimoine qui rétablit la disposition, tout en étendant le lieu de vente au territoire de l’Union européenne, dans un souci, est-il stipulé ( !), de compromis…

Sont pêle-mêle évoqués en objet du texte, les objectifs de permettre :

– à Paris de jouer à « armes égales » avec Londres, New York, ou Hong Kong,

– à l’Etat d’exercer son droit de préemption qui serait, selon les rédacteurs, le seul gage d’enrichissement des collections publiques.

S’agissant de ces armes qui se voudraient égales, je ne vois pas desquelles il pourrait bien s’agir puisque ni Londres, ni New York, ni Hong Kong n’en disposent de telles, ce qui ne les empêche pas de représenter respectivement 19%, 40% et 26% des parts du marché mondial des enchères d’œuvres et objets d’art quand Paris plafonne à 5% (source Tefaf Art Market report 2016).

Quant à la préemption, il n’est pas à ma connaissance prévu que Londres, qui demeure encore à ce jour dans l’Union européenne, en octroie le droit d’exercice sur son territoire à l’Etat français !

Enfin, il est connu de tous que l’enrichissement des collections publiques est essentiellement l’apanage des sources du privé, stimulées par des politiques publiques incitatives, efficaces et réalistes qui, fortes du constat de la diminution de leurs ressources directes, favorisent les dations, legs et autres donations.

En réalité, cette proposition est portée par quelques opérateurs de ventes publiques nationaux qui ont cru qu’elle pourrait être de nature à les aider, par la coercition et le protectionnisme, à lutter contre Christie’s et Sotheby’s. Il est assez pittoresque de noter qu’aucun de ces opérateurs ne dispose de salle des ventes à Londres (place de marché à qui la nouvelle rédaction de « compromis » ferait le cadeau de la favoriser par rapport à New York ou Hong Kong … !), contrairement aux deux leaders mondiaux, qui, rappelons-le, sont également régulièrement leaders à Paris!

Il me semble que l’environnement juridique de la protection du patrimoine national en France est, en l’état, le plus équilibré qui soit. Il est à la fois clair, lisible et pratique : soit une œuvre présente le caractère de Trésor National, et on la classe, l’Etat assumant alors sa responsabilité en s’en portant acquéreur, soit ce n’est pas le cas, et on ne voit pas très bien alors à quelle catégorie intermédiaire de bien culturel elle pourrait appartenir, ni qui aurait vocation (et selon quels critères ?) à la qualifier… je plains d’avance les services de la Direction des Musées de France, et ceux des conservations des grandes institutions muséales nationales…

Dans l’hypothèse – peu réaliste, espérons-le ! -, où cette mesure serait adoptée, se pose également la question des finances publiques qui risqueraient de se voir à nouveau confrontées à une répétition de l’épisode douloureux du Jardin à Auvers dans lequel l’Etat avait été condamné en 1996 à verser 145 millions de francs à la famille Walter, pour la dédommager de l’interdiction de sortie du territoire d’une peinture de Van Gogh. C’est d’ailleurs cette décision judiciaire qui avait conduit la France à revoir sa législation sur la protection des trésors nationaux, laquelle, aux seuils d’exportation près, aujourd’hui dépassés, est sans doute la meilleure au monde.

Zao Wou-Ki n’est pas Vincent Van Gogh, et comparaison n’est pas raison ! mais, toute chose égale par ailleurs, son marché (on peut le regretter) est devenu essentiellement asiatique, et Hong Kong ou Taipei ses places les plus naturelles de ventes aux enchères. En instituant une nouvelle servitude (même temporaire) qu’il n’indemniserait pas‎, et sans se déclarer acquéreur, l’état n’exposerait-il pas sa responsabilité au regard de la possibilité pour le vendeur d’une peinture du grand peinture français né en Chine de librement disposer de son bien en décidant de le proposer à l’encan en Asie ?

Si le but officiellement déclaré, et largement louable, des parlementaires est de favoriser la mise en place de mesures propres à dynamiser le marché français, il existe bien des dispositifs possibles, applicables et vertueux, dont nous sommes quelques professionnels de terrain à pouvoir les exposer avec plaisir à nos interlocuteurs publiques.

 

Franck Prazan

Le 19 mai 2016, Paris

« Pourquoi les oeuvres de Pierre Soulages, de Nicolas de Staël, de Jean Dubuffet devraient-elles être privées de confrontation avec celles de leurs homologues étrangers ? »

Tribune parue dans Le Quotidien de l’Art le 29 mars 2016

C’est avec stupeur que j’ai pris connaissance du projet d’amendement parlementaire visant à créer une obligation nouvelle pour certains biens culturels dont la mise en vente publique devrait impérativement avoir lieu en France si elle avait lieu dans l’année qui suivrait la demande du certificat (dit passeport).

Empêcher par la contrainte que des œuvres d’Artistes de France n’aillent se confronter à celles de leurs homologues étrangers sur le champ de bataille des grandes ventes internationales, c’est entreprendre un exercice d’affaiblissement délibéré de notre puissance culturelle.

Nous n’en avons expressément pas besoin, et c’est à tout l’inverse qu’il faudrait prétendre et inciter.

Que je sache, il n’est venu à personne l’idée saugrenue de rendre obligatoire que les œuvres de Barnett Newman ou de Franz Kline soient vendues à New York? Pourtant, qui pourrait concevoir de les présenter à la vente ailleurs qu’à New York?

Voir l’engouement que suscitent, aujourd’hui même, trois tableaux de Zao Wou-Ki sur mon stand à Hong Kong, c’est comprendre le cheminement de l’Artiste et de ses œuvres: lorsqu’il s’installe à Paris en 1948, il accède à la liberté de créer et à une diffusion que la révolution chinoise n’aurait alors sans doute pas permises. Le fait qu’aujourd’hui son marché soit devenu asiatique dans son nexus et dans sa destination finale auprès des collectionneurs de la région apparaît comme une revanche de l’Histoire.

Et cette revanche honore et récompense la création française…

La culture est une arme dans la grande bataille internationale à laquelle nos sociétés sont confrontées. L’hégémonie du marché américain résulte d’une volonté politique née après-guerre d’imposer un modèle au reste du monde. On peut le déplorer mais constater en même temps que les ventes publiques à New York emportent 35% des parts du marché mondial quand, de 50% il y a 60 ans, nous nous maintenons péniblement à 5% depuis plusieurs années. C’est l’alliance objective des Artistes, de leurs marchands, de la critique, des institutions et des collectionneurs qui aura permis d’atteindre cet objectif encore une fois politique.‎ Cette alliance nous fait défaut depuis 60 ans!

La mesure proposée, louable qu’elle soit dans ses intentions déclarées, si elle devait in fine être adoptée, et à supposer qu’elle soit conforme aux règles européennes, ne changerait rien à cette donne d’airain‎. C’est un lieu commun de constater que l’enfer est pavé de bonnes (?) intentions.

Pourquoi les œuvres de Pierre Soulages, de Nicolas de Staël, de Jean Dubuffet, pour ne citer que quelques Artistes, dès lors qu’elles se trouveraient en France et qu’elles nécessiteraient l’autorisation légitime de l’Etat pour quitter le territoire devraient être privées de confrontation avec celles de leurs homologues étrangers dont elles n’ont rien à envier.

Je montre le travail de ces Artistes dans toutes les foires importantes du monde, et je suis parfaitement conscient que c’est ce travail qui nous porte et de loin non l’inverse. Il n’a pas à pâlir devant celui des Artistes anglo-saxons ou italiens par exemple, et ne demande qu’à ce qu’on le voie pour s’en convaincre.
Empêcher que leurs œuvres s’affichent dans les catalogues de vente des grandes maisons internationales à New York, Londres ou Hong Kong, c’est les réduire à la portion congrue du marché, les ramener à nos propres turpitudes, les frapper d’un handicap dont elles n’ont certes pas besoin.

Les ventes publiques sont ma principale concurrence. Pourtant, je suis convaincu que le même type de raisonnement que celui qui sous-tend la mesure coercitive proposée engendrerait la fausse conclusion que ce qui affaiblirait les maisons de vente me renforcerait… c’est aussi inepte que le schéma dont il est question ‎!

Soit une œuvre présente le caractère de Trésor National, et on la classe, l’Etat assumant alors sa responsabilité, soit ce n’est pas le cas et, si sa qualité le permet, elle ira battre des records là où son marché l’appelle!

On peut regretter, comme c’est mon cas, que la valeur d’une œuvre d’art soit trop souvent réductible à son prix‎ mais, en ce cas, c’est à la règle du jeu mondial qu’il convient de s’attaquer. Pourquoi pas? Mais dès lors que l’on souhaite entrer en jeu, il faut, avec les règles existantes, tout faire pour l’emporter en visant l’excellence. Et rien n’exclut les Artistes de France de cette perspective ni ne nécessiterait qu’on les protégea contre eux-mêmes.

Je rêve au contraire du jour ou Freud ou Bacon ou Fontana ou Pollock ou Motherwell ou Richter viendront se vendre à Paris… et peut-être ce jour-là, Picasso aussi se vendra en France !

 

Franck Prazan

Le 25 mars 2016, Art Basel Hong Kong