Le Marché de l’Art, ça vous intéresse ?

Si l’on rapportait l’intérêt cumulé pour la culture tel qu’exprimé par les candidats à l’élection présidentielle au nombre qu’ils sont, on obtiendrait une donnée tangentielle au zéro !

Si une centrifugeuse particulièrement avancée technologiquement permettait d’extraire de cet intérêt pour la culture celui spécifique pour les biens culturels et leur marché, les connaissances actuelles en matière de géométrie, de mécanique ou de physique ne permettraient sans doute pas de résoudre l’équation…

Pourtant, selon les estimations de Clare McAndrew dans The Art Market 2017 commandé à Arts Economics par Art Basel et UBS, le marché de l’art aurait représenté un chiffre d’affaires mondial de 56,6 milliards de dollars en 2016 (en baisse de 11% par rapport à 2015) pour plus de 36 millions de transactions. La France y occuperait une place non négligeable, en l’occurrence la 4ème, avec une part de marché estimée à 7% (environ 4 milliards de dollars), mais très loin derrière les Etats-Unis (40%), le Royaume-Uni (21%), et la Chine (20%). Par ailleurs, et contrairement aux idées reçues, la part des transactions réalisées en privé (57%) – galeristes et marchands, essentiellement – serait largement supérieure à celle réalisée en ventes publiques (43%).

En 2013, Clare avait estimé dans un rapport commandé par le Comité Professionnel des Galeries d’Art et le Syndicat National des Antiquaires que le marché de l’art employait directement 52.500 personnes en France. Elle indiquait que les entreprises du marché de l’art faisaient appel aux services et aux prestations de professions annexes pour un montant de 645 millions d’euros correspondant à environ 8.650 emplois. Enfin, elle assurait que le marché de l’art contribuait de manière incontestable à la vitalité de l’économie du secteur touristique français (environ 80 milliards d’euros).

Aussi, et même si cela n’est pas au rang des premières priorités – dans les circonstances actuelles, j’en ai bien conscience -, je me permets de récapituler quelques mesures de soutien sectoriel que j’ai eu l’occasion de présenter à différentes occasions et devant différents auditoires :

  1. Instauration d’une provision pour constitution de stocks d’œuvres et objets d’art, de collection ou d’antiquité :

Buts recherchés :

  • Incitation à l’investissement en stock ;
  • Renforcement des fonds propres des diffuseurs ;
  • Renforcement des ressources des Artistes plasticiens ;
  • Soutien à l’économie nationale des biens culturels dans un contexte concurrentiel défavorable à la France depuis plusieurs années ;
  • Augmentation des recettes fiscales induites en termes de TVA et d’IS principalement par effet multiplicateur d’activité.

Description :

  • Le dispositif permet l’amortissement linéaire sur trois ans des achats d’objets d’art, de collection ou d’antiquité (tels que définis à l’article 98 A de l’annexe III du CGI) intervenus au cours d’un exercice quelconque et non vendus au jour de la clôture dudit exercice ;
  • Le bénéfice de cette mesure est subordonné à la condition qu’un montant au moins équivalent à la provision correspondante soit consacré à l’achat de nouveaux stocks au cours de l’exercice suivant ;
  • Au cas où le montant consacré à ces achats serait inférieur à la provision, celle-ci serait reprise à due concurrence de la différence ;
  • Le prix d’achat initial demeure la base de référence pour le calcul de la TVA sur la marge.

Illustration :

  • Tout ce qu’un marchand, galeriste ou antiquaire aura acheté sur un an et qui n’aura pas été vendu à la date de clôture de l’exercice (disons 120) pourra bénéficier d’un amortissement automatique linéaire sur 3 ans (40 / 40 / 40) ;
  • La condition est que ce diffuseur consacre l’année suivante au moins la même somme au réinvestissement dans son stock que celle provisionnée l’année précédente (40 donc) ;
  • La provision génère pour ceux qui payent de l’impôt sur les sociétés un surcroît de trésorerie égal à [40 x (33 1/3 %)] = 13,33 ;
  • Pour l’état, le manque à gagner en impôt n’est au pire que reporté dans le temps [puisqu’un stock qui aurait été entièrement provisionné (disons 120) générerait une marge commerciale (taxable à l’IS nette de charges) égale à son prix de vente], et au mieux plus que compensé par l’effet multiplicateur du réinvestissement.
  1. Fin du principe d’inaliénabilité des collections publiques :

La faculté pour une institution, qu’elle soit publique ou privée, nationale ou locale, de se pencher sur son inventaire pour, dans le cadre d’un processus parfaitement balisé et encadré, sous le contrôle des conservateurs, se dessaisir à terme d’un certain nombre d’œuvres d’art éventuellement redondantes ne comporte pour moi que des avantages :

  • générer de la trésorerie afin de permettre à un musée de demeurer un acteur puissant du marché, indépendant dans ses choix et, à ce titre, maître de son destin ;
  • participer activement à la marche de l’Histoire qui, en matière d’art comme en toute autre, ne peut demeurer figée dès lors qu’est bien entendu réaffirmé le préalable du discernement des fondamentaux du passé ;
  • agir en tant qu’agent économique de plein exercice et, par le fait même, concourir de façon déterminante à un écosystème de la culture au sein duquel il s’avère de plus en plus illusoire de tenter de dissimuler les échanges marchands sous le voile transparent de la pudeur ;
  • nourrir la demande effective des collectionneurs confrontés à la raréfaction, et contribuer au soutien des acteurs intermédiaires que sont les diffuseurs, non sans générer au passage des recettes publiques.
  1. Extension aux successions des dispositions de l’article 776 II du CGI, soit ramener à 60% maximum de leur valeur d’assurance la base imposable des œuvres d’art (pour tenir compte des frais d’intermédiation, des droits et taxes à la revente), comme c’est déjà le cas pour les donations entre vifs ;
  1. Assouplissement des conditions de circulation des biens culturels par l’extension de 50 à 70 ans du seuil d’âge et le doublement des seuils en valeur pour les œuvres et objets nécessitant pour quitter le territoire national la délivrance d’un passeport (certificat pour un bien culturel).

Voilà !